Document d’information – Intégration des soins virtuels à l’exercice de la médecine : considérations médico-légales en ce qui concerne la prestation de soins médicaux sécuritaires

Femme qui est assise sur un sofa et qui participe à un appel vidéo avec un médecin au moyen d’une tablette.

Publié : août 2022

La pandémie de COVID-19 a donné lieu à une hausse spectaculaire du recours aux soins virtuels. La gestion des risques médico-légaux auxquels seront exposés les médecins au cours de leur transition d’un modèle principalement fondé sur la prestation de soins en présentiel à un modèle hybride (prestation de soins tant en présentiel qu’en virtuel) nécessitera une attention et une collaboration rigoureuses. Ce document vise à faciliter cette transition en formulant des recommandations sur un certain nombre de questions pertinentes, et décrit la façon dont l’ACPM entend continuer de promouvoir activement la prestation efficace et durable de soins de santé sécuritaires dans ce nouvel environnement.

Dans ce contexte, le terme « soins virtuels » est défini comme étant la prestation de soins par des médecins ne se trouvant pas physiquement dans la même pièce que leurs patients. Qu’ils soient prodigués par téléphone, vidéoconférence, courriel ou textos, les soins virtuels ont été adoptés à grande échelle pour leur côté pratique et leur capacité d’accroître l’accès aux soins. Le défi consiste à s’assurer que ces avantages ne soient pas au prix d’une diminution de la qualité et de la sécurité des soins aux patients ou d’une exacerbation des risques médico-légaux.

L’accès aux soins virtuels, malgré l’utilisation accrue de ceux-ci, n’est encore ni universel ni équitable et demeure affecté par certaines difficultés, dont :

  • une approche fragmentaire en matière de réglementation au pays en ce qui concerne les exigences liées aux permis d’exercice interprovinciaux;
  • le manque d’uniformité des normes et des lignes directrices à l’égard des critères permettant d’établir s’il est raisonnable ou non, dans une situation donnée, d’avoir recours aux soins virtuels;
  • l’absence d’une véritable infrastructure et d’activités de formation adéquates quant aux diverses modalités de soins virtuels;
  • l’accessibilité déficiente à des plateformes sécurisées de soins virtuels.

De plus, des inquiétudes ont été soulevées quant à la possibilité que les soins virtuels affectent la qualité de la relation médecin-patient ou qu’ils se substituent indûment aux soins en présentiel. Tous ces facteurs influencent l’efficacité des soins virtuels et pourraient donner lieu à des préjudices aux patients.

Les soins virtuels continueront d’évoluer et de jouer un rôle important dans la prestation des soins médicaux. L’optimisation de leur efficacité et de leur sécurité se doit d’être une priorité qui tient également compte de mesures d’atténuation des risques médico-légaux pour les prestataires. L’ACPM est déterminée à tirer parti de son expertise en matière de recherche et d’analyse pour extraire, de ses données, des renseignements sur les facteurs pouvant affecter la sécurité des soins et pour communiquer ces renseignements aux gouvernements, aux agences, aux organismes de réglementation de la médecine (Collèges), aux sociétés de spécialistes et aux associations et fédérations médicales provinciales/territoriales. L’Association entend également faire part de ces renseignements à ses membres par l’intermédiaire d’initiatives d’information et d’éducation sur la gestion des risques.

L’ACPM – Partenaire dans l’exercice de la profession, partenaire pour la sécurité

L’ACPM estime que des mesures coordonnées s’avèrent requises pour l’intégration des soins virtuels à titre de modalité sécuritaire de prestation de soins médicaux pour les années à venir. En ce sens, l’Association formule les recommandations suivantes :

1. Assurer l’uniformité des normes cliniques et professionnelles, et des exigences liées aux permis d’exercice

L’ACPM recommande aux divers organismes de réglementation de la médecine (Collèges) provinciaux/territoriaux et aux diverses sociétés de spécialistes de collaborer pour l’élaboration de normes et de lignes directrices professionnelles et cliniques claires et uniformes en ce qui concerne la prestation de soins virtuels. Les Collèges devraient également adopter des exigences uniformes pour les permis d’exercice requis pour la prestation de soins virtuels lorsque les médecins et leurs patients se trouvent dans des provinces ou des territoires distincts. Une telle uniformité permettrait d’harmoniser les pratiques d’une province et d’un territoire à l’autre, de contribuer à la promotion de la sécurité des patients et de réduire les risques médico-légaux.

Les médecins doivent pouvoir continuer d’utiliser leur jugement professionnel pour déterminer si la prestation de soins virtuels s’avère appropriée, en fonction des circonstances propres à leurs patients. Cependant, les lignes directrices et les normes peuvent aider les médecins à prendre de telles décisions d’une façon qui améliore l’accès aux soins et la sécurité de ceux-ci, et qui minimise les risques médico-légaux.

Bien qu’il ne revienne pas à l’ACPM d’établir des normes de pratique, elle encourage les sociétés nationales de spécialistes, les Collèges et les autres organisations de la santé à élaborer des directives de pratique clinique et des normes professionnelles qui sont claires et propres à chacune des spécialités, tout en étant uniformes d’un bout à l’autre du pays et en soutenant l’intégration sécuritaire des soins virtuels aux soins en présentiel. Plus particulièrement, les médecins apprécieraient obtenir des conseils pratiques quant aux circonstances dans lesquelles il est généralement raisonnable d’envisager le recours aux soins virtuels. De tels conseils devraient aborder ce qui suit :

  • les facteurs à considérer pour déterminer le mode de prestation (en virtuel ou en présentiel) des soins requis, dont des exemples des types de problèmes et de rencontres cliniques qui conviennent habituellement bien à la prestation de soins virtuels, en fonction du type de pratique, du scénario clinique et de la patientèle;
  • les moyens de communication qui devraient être utilisés selon la situation (p. ex. téléphone, vidéoconférence, applications mobiles, communication électronique – en temps réel ou en mode asynchrone);
  • les caractéristiques que les plateformes de soins virtuels doivent offrir;
  • les stratégies pour l’intégration des modalités de prestation de soins en virtuel et en présentiel.

L’expansion des soins virtuels a octroyé aux médecins une flexibilité accrue quant à l’emplacement de leur milieu d’exercice. Toutefois, on constate à l’heure actuelle une approche fragmentée au pays quant aux exigences provinciales/territoriales en matière de permis d’exercice pour les médecins qui prodiguent des soins à des patients se trouvant dans une autre province ou un autre territoire. Une approche uniforme et claire quant à l’application des normes et des politiques des Collèges s’avère nécessaire pour soutenir les médecins qui prodiguent des soins virtuels à l’extérieur de leur province ou territoire.

Le déploiement d’efforts visant l’adoption d’exigences uniformes et la clarification des normes applicables dans de telles circonstances contribuerait grandement à atténuer le fardeau administratif des médecins prodiguant des soins interprovinciaux, particulièrement dans les cas où il existe des différences importantes entre les normes de deux ou de plusieurs provinces ou territoires. De surcroît, l’harmonisation des normes en matière de permis d’exercice pourrait aider à atténuer la crise qui affecte présentement les ressources humaines en santé au Canada en encourageant les médecins à prodiguer des soins virtuels dans plus d’une province ou territoire.

2. Mettre en œuvre une infrastructure appropriée

L’ACPM recommande que les gouvernements continuent d’investir dans des améliorations à l’infrastructure, au matériel, aux logiciels et à l’accès à Internet haute vitesse afin d’assurer la viabilité à long terme des soins virtuels. L’interopérabilité des données constitue également un facteur crucial pour l’efficacité et l’efficience des soins virtuels.

L’absence d’une infrastructure appropriée nuira à l’efficacité et à l’élargissement des soins virtuels. La technologie doit non seulement être fiable, mais doit également être facilement intégrable aux systèmes existants de dossier médical et de dossier de santé électroniques. Pour les patients, la technologie doit également être facile à utiliser et facile d’accès, ce qui nécessite entre autres un accès fiable au réseau Internet large bande et au réseau cellulaire dans toutes les collectivités.

En plus des investissements en infrastructure, une protection adéquate en matière de responsabilité pour les préjudices attribuables aux défaillances affectant la technologie et la communication s’avère essentielle. Il n’est pas approprié que les fournisseurs de plateformes de soins virtuels limitent ou excluent leur responsabilité pour tout acte ou omission pouvant entraîner un préjudice à un ou une patiente ou à une tierce partie.

Bien qu’il soit nécessaire de rémunérer adéquatement les professionnels de la santé pour les soins virtuels prodigués, une attention particulière doit être portée aux modèles de rémunération pour s’assurer qu’ils ne favorisent pas les soins virtuels aux dépens des soins en présentiel. Les modèles de rémunération doivent être conçus pour permettre aux professionnels de la santé de choisir la modalité convenant le mieux aux circonstances, c’est-à-dire en fonction des capacités technologiques des professionnels en cause ainsi que des préférences de leurs patients. 

3. Aborder les questions entourant la protection des renseignements personnels et la sécurité

L’ACPM recommande la formulation de conseils clairs et uniformes sur les mesures pratiques nécessaires qui doivent être prises par les médecins pour répondre aux exigences en matière de consentement, de protection des renseignements personnels et de sécurité en ce qui concerne la prestation de soins virtuels, y compris les exigences obligatoires à ces égards.

Les soins virtuels peuvent poser des défis particuliers pour la protection des renseignements personnels des patients et de la confidentialité. Les Collèges et les commissaires à la protection de la vie privée devraient fournir des consignes claires sur les mesures que peuvent prendre les médecins pour respecter leurs obligations en matière de protection des renseignements personnels et de sécurité, particulièrement lorsqu’il s’agit de la prestation interprovinciale/interterritoriale de soins virtuels. Ces consignes devraient fournir des mesures pratiques pour la sélection de plateformes et de fournisseurs appropriés pour la prestation de soins virtuels; elles devraient en outre détailler les normes de sécurité requises pour répondre aux exigences obligatoires. Toutes les provinces et territoires devraient élaborer des normes qui établissent les exigences obligatoires qui doivent être satisfaites pour que la sécurité d’un produit ou service puisse être vérifiée, et s’assurer d’imposer ces normes aux fournisseurs et de mettre en place des mécanismes visant à en assurer le respect. Au fur et à mesure de la vérification de nouveaux produits, ceux-ci devraient être ajoutés à une liste en ligne pour aider les médecins à choisir un fournisseur approprié.

4. Agir dans l’intérêt des patients

L’ACPM recommande que les processus existants, qui ont été conçus pour gérer le suivi des soins, les demandes d’examen et la tenue des dossiers dans le cadre de la prestation de soins en présentiel, soient modifiés pour s’appliquer à la prestation de soins virtuels.

Les préférences et l’autonomie des patients doivent continuer d’être respectées dans le contexte des soins virtuels. Cependant, des soins virtuels ne devraient être offerts que lorsqu’ils s’avèrent appropriés dans les circonstances et qu’ils répondent aux besoins des patients. Les médecins doivent prendre l’intérêt de leurs patients en considération au moment de déterminer s’il s’avère indiqué de leur prodiguer des soins virtuels. Bien que des raisons de commodité puissent être considérées, il est encore plus important que la décision des médecins repose sur la sécurité des soins médicaux à prodiguer.

Les Collèges ont clairement établi que la norme de pratique requise des médecins demeure la même, qu’il s’agisse de soins prodigués en présentiel ou en mode virtuel. 

Comme l’ACPM l’a déjà indiqué dans l’une de ses publications, il existe une forte corrélation entre les incidents liés à la sécurité des patients et les événements médico-légaux. Par exemple, l’absence d’une anamnèse et d’un examen physique appropriés dans l’exploration d’un diagnostic différentiel constitue une cause importante et bien étayée d’erreur de diagnostic entraînant des préjudices pour les patients. Les soins virtuels pourraient ne pas bien se prêter à une anamnèse adéquate ou à un examen physique approprié. Ainsi, un accès rapide à des rencontres en présentiel ou à d’autres services devrait être maintenu dans l'éventualité que les médecins considèrent que de telles options sont à privilégier dans les circonstances, ou que les patients expriment préférer une évaluation en présentiel.

5. Offrir des activités de perfectionnement professionnel et de formation technique

Le recours accru à la technologie, comme les soins virtuels, est l’un des déterminants du départ à la retraite des médecins. Dans le contexte de la crise de ressources humaines que le Canada connaît présentement dans le domaine de la santé, nous encourageons les gouvernements à collaborer avec les partenaires pertinents pour s’assurer de doter les professionnels de la santé du soutien nécessaire et des connaissances requises pour l’utilisation et l’intégration de solutions de soins virtuels dans leurs pratiques.

L’ACPM recommande que les facultés de médecine intègrent des activités éducatives sur la prestation de soins virtuels sécuritaires et de qualité à leurs programmes de premier cycle, postdoctoraux et de perfectionnement professionnel continu. De même, elle est d’avis que les gouvernements devraient promouvoir la littératie en santé numérique au sein de la population générale. Les membres du public considèrent de plus en plus les soins médicaux comme faisant partie du secteur des services et, donc, que ces soins devraient principalement répondre à leurs besoins en matière de commodité. Il est crucial que les gouvernements sensibilisent la population à la singularité et à l’importance de la relation médecin-patient, ainsi qu’au rôle et aux limites des soins virtuels. Des programmes éducatifs élaborés en temps opportun et facilement accessibles seront requis pour aider les médecins et leurs patients à comprendre et à utiliser, de façon sécuritaire et efficace, les nouvelles normes professionnelles et cliniques qui seront formulées à l’égard des soins virtuels ainsi que les nouvelles technologies et nouvelles modalités qui seront conçues pour la prestation de ceux-ci.

6. Adopter une approche concertée

L’ACPM recommande la formulation d’une stratégie nationale sur les soins virtuels.

À titre d’exemple, elle recommande une approche concertée pour la collecte et l’analyse des données sur l’utilisation des soins virtuels, afin de permettre à l’ensemble des professionnels de la santé d’en maximiser les occasions et d’en minimiser les risques. La collecte et la communication concertées de telles données peuvent contribuer à cerner et à réduire les risques pour la sécurité des patients, ainsi qu’à orienter la conception de mesures d’atténuation adaptées à ces risques émergents.

Des organisations médicales nationales, telles la FOMC et l’AMC, pourraient également prendre les devants et faciliter des plateformes de discussion sur l’adoption d’une stratégie nationale pour la réglementation et la gouvernance des soins virtuels.

L’ACPM – Élément de la solution

Étant consciente que les médecins continuent plus que jamais d’intégrer de façon novatrice les soins virtuels à leurs pratiques, l’ACPM est résolue à continuer de promouvoir activement la prestation sécuritaire, efficace et durable de tels soins.

Bien qu’elle s’affaire à moderniser le soutien qu’elle offre à ses membres, l’ACPM entend bien continuer de fournir, en temps opportun, une assistance et des conseils médico-légaux aux membres qui font face à des problèmes médico-légaux, y compris lorsque ces membres apprennent à tirer efficacement parti des avantages des soins virtuels et à en atténuer les risques.

Pour les quelques prochaines années, l’ACPM se centrera sur ce qui suit :

1. Offre d’une protection médico-légale

Conformément à ses principes d’assistance, l’ACPM est résolue à continuer de prêter une assistance médico-légale aux membres admissibles qui prodiguent des soins virtuels à des patients canadiens, lorsque tant les médecins membres en question que leurs patients se trouvent au Canada. Lorsque des soins virtuels sont prodigués par des médecins canadiens se trouvant à l’extérieur du pays ou lorsque les patients recevant de tels soins se trouvent hors du Canada, les médecins en cause devraient communiquer avec l’Association pour confirmer leur admissibilité à l’assistance et discuter des façons de minimiser leurs risques médico-légaux et d’améliorer la sécurité pour les patients. L’ACPM est tout autant résolue à passer régulièrement en revue ses principes d’assistance pour s’assurer qu’ils reflètent bien la constante évolution du milieu de la santé.

2. Éducation

L’ACPM joue un rôle actif dans la conception et l’offre de programmes de gestion des risques favorisant la prestation de soins virtuels sécuritaires. Elle entend tirer parti de ses données pour élaborer des programmes d’apprentissage factuels, agréés et de grande qualité afin de soutenir la prestation sécuritaire de soins virtuels et d’atténuer les risques médico-légaux liés à de tels soins.

3. Travail de sensibilisation

Partenaire de confiance, l’ACPM continuera d’exercer son influence auprès de diverses organisations pertinentes pour qu’elles tiennent compte des risques médico-légaux et de la sécurité des patients dans la conception des stratégies, des politiques, des lignes directrices et des règlements liés aux soins virtuels.

4. Collecte et communication de données

L’ACPM est résolue à poursuivre, par la communication de ses données médico-légales agrégées et par la collaboration, ses efforts visant à améliorer la sécurité des soins virtuels. Elle entend peaufiner la collecte de ses données et les publications qui reposent sur celles-ci afin d’aider ses membres à mieux comprendre les enjeux de sécurité pour les patients et les risques médico-légaux liés à la prestation de soins virtuels.

L’ACPM – Là pour vous

Dans le contexte de la crise qui secoue les ressources humaines dans le domaine de la santé et dans la foulée de la pandémie de COVID-19, l’Association estime que les soins virtuels peuvent grandement contribuer à améliorer l’accès aux soins de santé. Elle est résolue à participer, en collaboration avec ses membres et ses partenaires, à la conception et au soutien d’un système favorisant des approches durables à la prestation de soins virtuels efficaces et sécuritaires à la population canadienne.