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La nouvelle pratique médicale : Les contrats d’emploi et la responsabilité médicale

7 minutes

Publié : septembre 2012 /
Révisé : février 2021

Les renseignements présentés dans cet article étaient exacts au moment de la publication

Les médecins exercent de plus en plus leur profession dans le cadre d’ententes contractuelles, tels des contrats individuels de travail ou des contrats de service. À en juger par l’expérience américaine, un nombre croissant de médecins envisagent ou essaient divers modèles de pratique. En 2018, l’American Medical Association a constaté que 34,7 % des médecins travaillaient directement pour un hôpital ou un cabinet appartenant au moins en partie à un hôpital, sous contrat ou comme employés.1

Au Canada, il existe un vaste éventail de modèles de pratique de la médecine. Bien que les médecins puissent être avantagés de plusieurs façons par des ententes contractuelles, ils doivent en connaître les aspects médico-légaux. Une solide compréhension et un examen attentif de toutes les clauses aideront les médecins à faire des choix éclairés sur de telles ententes, ainsi que sur leur protection en matière de responsabilité médicale.

Modèles de pratique

Traditionnellement, lorsqu’un médecin prodiguait des soins dans un hôpital, il le faisait normalement dans le cadre d’un modèle fondé sur les privilèges, qui lui accordait le droit d’effectuer des actes précis, et d’accéder à certains services et équipements. Ce modèle reconnaissait l’autonomie du médecin.

Les modèles fondés sur les privilèges sont régis par un cadre établi dans les documents de loi et de réglementation des provinces et des territoires qui exige l’adoption de processus précis pour renouveler les privilèges, les restreindre ou y mettre fin. Ces processus sont habituellement spécifiés dans les règlements administratifs de l’hôpital ou de l’autorité régionale en matière de santé.

Ce modèle s’appuie aussi sur la jurisprudence qui clarifie les processus devant être mis en place pour protéger les droits d’un médecin lorsqu’un hôpital cherche à restreindre, à révoquer ou à ne pas renouveler ses privilèges. Par exemple, toutes les provinces et tous les territoires disposent de processus d’appel prévus par la loi à l’intention des médecins qui se voient refuser ou qui perdent leurs privilèges.

Plus récemment, un modèle a été conçu pour nommer des médecins au sein du corps médical ou du conseil des médecins de l’hôpital ou de l’autorité en matière de santé. Ce modèle comprend de nombreuses protections pour les médecins que l’on retrouve dans le modèle des privilèges.

Alors que les modèles fondés sur les privilèges et ceux dans lesquels les médecins sont nommés ont connu du succès et sont toujours utilisés partout au Canada, de nombreux médecins et hôpitaux optent plutôt pour des ententes contractuelles ou pour une combinaison de modèles et de structures de rémunération. Bien des médecins exercent donc sous une forme ou une autre d’entente contractuelle. Il existe tout un éventail de ces ententes, dont les contrats individuels de travail (semblables à ceux d’autres professionnels tels que les infirmières) et les ententes touchant la prestation de services (dans lesquelles le médecin offre des services médicaux en tant qu’entrepreneur indépendant). Il importe donc que les médecins évaluent soigneusement leurs droits et obligations découlant de ces contrats avant de les signer.

Aspects à évaluer lors de la signature d’un contrat

En général, l’ACPM ne fournit pas d’assistance juridique aux membres qui examinent un contrat ou envisagent d’en conclure un. Toutefois, les membres peuvent consulter le document de l’ACPM intitulé « Questions médico-légales à prendre en compte avec les contrats individuels » lorsqu'ils examinent un contrat avec leur avocat personnel ou un avocat exerçant en droit des affaires. Au besoin, les membres peuvent également communiquer avec leur organisme, association ou fédération médicale pour obtenir de l’aide dans l’examen de futurs contrats.

Les contrats de prestation de services médicaux doivent être soigneusement revus pour veiller à ce que les clauses soient équilibrées et équitables. Les médecins doivent savoir que c’est le contrat qui définira les clauses de leur emploi ou de leur entente avec l’hôpital ou l’autorité en matière de santé. Ces clauses constitueront vraisemblablement des éléments de négociation entre le médecin et l’établissement de soins de santé; le médecin ne devrait pas hésiter à soulever toute préoccupation et à proposer des modifications au contrat lors du processus de négociation. L’avocat du médecin, ou un représentant de son association ou fédération médicale, pourra lui venir en aide dans ces négociations.

Il importe que les médecins sachent que les garanties procédurales associées au modèle fondé sur les privilèges et les garanties conférées par les règlements administratifs des hôpitaux ne s’étendent pas nécessairement à d’autres ententes (p. ex. les contrats individuels de travail ou les ententes avec un entrepreneur indépendant). L’ACPM conseille généralement aux médecins embauchés, que ce soit comme employés ou sous toute autre forme d’entente contractuelle, de s’assurer que toute entente écrite proposée contienne les mêmes protections procédurales que celles garanties par le modèle fondé sur les privilèges.

Les ententes contractuelles peuvent représenter, pour les médecins, d’autres risques médicaux-légaux dont il faudrait tenir compte avant leur conclusion. Par exemple, les médecins devraient en général éviter toute clause d’indemnisation dans leurs contrats qui pourrait les rendre légalement responsables des actes de l’autre partie au contrat.

Avant de conclure tout contrat, les médecins doivent également s’assurer qu’ils comprennent clairement les autres éléments particuliers du contrat, tels la description du poste, l’horaire de garde, les activités externes et la résiliation du contrat.2 Entre autres, la description du poste pourrait énumérer les types précis de soins à prodiguer (p. ex. en médecine interne) ainsi que le nombre exact d’heures consacrées aux soins des patients. En ce qui a trait aux activités externes, des conditions précises sur des points tels que le travail clinique additionnel (moonlighting), le travail clinique bénévole ou la recherche pourraient être incluses.

Les médecins devraient aussi porter attention aux droits qu’ils conserveront une fois que le contrat sera terminé ou renouvelé. Par exemple, dans quelle mesure le médecin participe-t-il aux mises à jour ou au renouvellement de l’entente? Dans quelles circonstances le médecin peut-il mettre fin à la relation contractuelle? Quelles sont les conséquences de la résiliation du contrat? Le médecin pourra-t-il encore accéder aux dossiers hospitaliers s’il quitte son emploi ou est mis à pied? Il s’agit là de questions importantes, dont les réponses peuvent varier selon les ententes individuelles, et qui peuvent affecter grandement la vie professionnelle et la pratique du médecin.3,4 Là encore, les médecins doivent étudier ces questions plus en détail avec leur avocat, ou leur association ou fédération médicale.

Protection en matière de responsabilité

Un système de responsabilité médicale efficace est un élément important de tout réseau de santé de qualité. Cela garantit aux professionnels de la santé (dont les médecins) et à leurs patients que leurs intérêts et l’accès à un traitement équitable seront protégés. La plupart des médecins canadiens, y compris ceux qui travaillent en milieu hospitalier, obtiennent leur protection en matière de responsabilité auprès de l’ACPM. Les hôpitaux et leurs employés, quant à eux, sont généralement couverts par les contrats d’assurance de l’hôpital.

Étant donné que les hôpitaux et les médecins ont recours à des contrats individuels de travail et des ententes contractuelles, certains pourraient juger intéressant d’envisager une protection en matière de responsabilité de l’entreprise. Selon un tel modèle, c’est l’hôpital, l’autorité en matière de santé ou un autre établissement de santé qui est responsable d’offrir une protection en matière de responsabilité à tous les professionnels (y compris les médecins) qui prodiguent des soins au sein de l’organisme, que ce soit à titre d’employés ou d’entrepreneurs indépendants, ou dans le cadre d’autres ententes. L’ACPM n’appuie pas le modèle de protection en matière de responsabilité de l’entreprise au Canada, et ses membres devraient analyser soigneusement les répercussions associées à ce modèle de protection. Il ne faut pas présumer que les intérêts de l’établissement et ceux du médecin seront nécessairement les mêmes. Par ailleurs, la protection en matière de responsabilité de l’entreprise se limite aux actions en justice intentées contre un professionnel de la santé. Pour les membres de l’ACPM, la protection et l’assistance s’étend à toute une gamme de problèmes médico-légaux, dont les plaintes auprès de l’organisme de réglementation de la médecine (Collège) ou les plaintes intrahospitalières.

Alors que le milieu des soins de santé s’adapte aux contraintes qui pèsent dans les ressources humaines et financières, les médecins peuvent être invités à conclure des ententes qui diffèrent du modèle traditionnel fondé sur les privilèges. L’ACPM encourage ses membres à examiner attentivement ces ententes, à consulter leur avocat personnel, et à explorer toutes les dimensions et les répercussions que ces ententes pourraient avoir.


Références

  1. Kane CK. Updated data on physician practice arrangements: For the first time, fewer physicians are owners than employees. American Medical Association [En ligne]. 2019 [cité en octobre 2020]; [environ 16 p.]. Disponible: https://www.ama-assn.org/system/files/2019-07/prp-fewer-owners-benchmark-survey-2018.pdf
  2. Stagg EV. Seven land mines of hospital employment contracts. American Medical News [En ligne]. 2011 [cité en octobre 2020]). Disponible: https://amednews.com/article/20111219/business/312199963/4/
  3. Lorrel AL. Hospital employment pits work rules against physician rights. American Medical News [Internet] (2012).
  4. American College of Physicians. Physician Employment Contract Guide [En ligne]. 2017[cité en octobre 2020]. Disponible: https://www.acponline.org/system/files/documents/running_practice/practice_management/human_resources/employment_contracts.pdf

AVIS DE NON-RESPONSABILITÉ : Les renseignements publiés dans le présent document sont destinés uniquement à des fins éducatives. Ils ne constituent pas des conseils professionnels spécifiques de nature médicale ou juridique et n’ont pas pour objet d’établir une « norme de diligence » à l’intention des professionnels des soins de santé canadiens. L’emploi des ressources éducatives de l’ACPM est sujet à ce qui précède et à la totalité du Contrat d’utilisation de l’ACPM.