■ Obligations et responsabilités :

Les attentes vis-à-vis des médecins

Traiter des membres de la famille ou des amis : connaissez‑vous les règles de l’art?

Une médecin aide une enfant ayant un bras dans le plâtre

7 minutes

Publié : avril 2014 /
Révisé : février 2022

Les renseignements présentés dans cet article étaient exacts au moment de la publication

À un moment ou à un autre de leur carrière, la plupart des médecins doivent faire face à la décision de traiter une personne faisant partie de leur famille ou de leur cercle d’amis, ou encore de se soigner eux-mêmes. Que doivent-ils faire dans ces circonstances? Quelles limites professionnelles les médecins doivent-ils s’imposer quand vient le temps de s’autotraiter ou de traiter des gens qu’ils connaissent personnellement?

L’exercice de la médecine est fondé sur une relation professionnelle et requiert que les médecins agissent dans l’intérêt de leurs patients. Qui peuvent-ils traiter? Qui devraient-ils traiter? Dans quelles circonstances? Voilà des questions tout à fait légitimes compte tenu des obligations du personnel médical. L’intégrité de la relation professionnelle, qui est le fondement de la qualité des soins, peut en effet être compromise si le lien médecin-patient est teinté par un rapport émotionnel, familial ou personnel. Le traitement de personnes avec qui les médecins entretiennent une relation intime peut entraîner des conséquences importantes, voire mener à la perte du droit d’exercer dans certaines provinces ou certains territoires.

Pour ces raisons, les médecins devraient éviter de traiter des membres de leur famille ou des amis, ou encore de se traiter eux-mêmes. Ils devraient également éviter d’accéder aux renseignements sur leur propre santé ou à l’information confidentielle des membres de leur famille ou de leurs amis, à moins d’avoir été dûment autorisés à le faire. Autrement, ils risquent d’enfreindre la législation relative à la protection des renseignements personnels ainsi que les protocoles de l’établissement qui est le dépositaire ou le fiduciaire des dossiers de santé.

Qualité des soins rime avec objectivité professionnelle

Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les médecins doivent connaître et respecter leurs limites et établir une relation professionnelle avec les patients. Lorsque le patient ou la patiente est un membre de la famille ou du cercle d’amis, il peut être difficile d’obtenir une anamnèse détaillée, d’effectuer des examens de nature délicate ou de fournir un plan de traitement complet. Il peut aussi être ardu de respecter la confidentialité, de tenir des dossiers adéquats ou d’offrir les mêmes services aux autres membres de la famille.

Les patients traités par des médecins avec qui ils entretiennent une relation personnelle, à titre d’amis ou de membres de la famille, peuvent ne pas se sentir à l’aise de dévoiler certains renseignements ou antécédents. Il se peut aussi qu’ils n’osent pas demander une deuxième opinion ou un autre traitement, simplement parce qu’ils ne veulent pas remettre en question les soins des médecins qu’ils « connaissent ». Pour leur part, les médecins peuvent avoir de la difficulté à demeurer objectifs quand ils traitent des proches. Et s’ils essaient de s’évaluer et de se traiter eux-mêmes, ils s’exposent au risque de voir leur objectivité et leur jugement faussés.

Les systèmes de dossiers électroniques permettent aux médecins d’obtenir un accès direct aux renseignements sur leur propre santé, de même qu’aux renseignements confidentiels des membres de leur famille ou de leurs amis. Il est peut-être pratique de bénéficier d’un tel accès, mais il n’en demeure pas moins qu’en consultant ces dossiers sans autorisation préalable ou en enfreignant les protocoles de l’établissement ou de la clinique dépositaire des dossiers de santé, on s’expose à des répercussions. Outre le risque d’atteinte à la vie privée ou de non-respect des protocoles de l’établissement, il pourrait y avoir des conséquences médico-légales s’il est déterminé qu’une relation médecin-patient a effectivement été établie depuis le moment où le ou la médecin a passé en revue les renseignements en question et commenté l’état clinique de la personne. Pour obtenir de plus amples renseignements à ce sujet, consultez le Guide sur les dossiers électroniques de l’ACPM.

Quand les circonstances exigent un traitement

Il y a parfois des circonstances où les médecins ont de bonnes raisons de traiter une personne avec laquelle ils ont une relation personnelle : si des problèmes de santé mineurs surgissent ou si des soins urgents doivent être prodigués et qu’aucun autre médecin ne peut intervenir. Toutefois, ces cas sont considérés comme des exceptions.

Dans de telles circonstances, les médecins doivent transférer les soins à un ou une collègue dès qu’il leur est possible de le faire. De plus, la décision de traiter la personne ou de la diriger vers un ou une autre médecin doit être consignée par écrit.

Le Code d’éthique et de professionnalisme de l’Association médicale canadienne précise ce qui suit : « Limiter aux interventions mineures ou urgentes l’autotraitement et le traitement des membres de la famille immédiate, ou des personnes avec lesquelles une relation de nature personnelle similaire a été établie, lorsqu’aucun autre médecin n’est disponible. Ces traitements ne devraient pas être facturés. »1

Le point de vue des Collèges

Certains organismes de réglementation de la médecine (Collèges) ont précisé les devoirs des médecins qui choisissent de traiter des membres de leur famille ou de leur cercle d’amis, ou encore de se soigner eux-mêmes. Les Collèges expriment généralement des préoccupations au sujet de la qualité des soins et précisent qu’il y a très peu de circonstances pouvant justifier cette façon de faire.

Généralement, les politiques de ces Collèges traitent également de la pratique consistant à rédiger des ordonnances pour soi-même, sa famille ou ses amis. Elles précisent que les médecins ne devraient pas rédiger, pour eux-mêmes ou des membres de leur famille, d’ordonnances de narcotiques ou de tout autre médicament pouvant entraîner une accoutumance ou une habitude, même si la gestion du plan de traitement médicamenteux est assurée par un tiers.

Le privilège de prescrire dont bénéficient les médecins peut être révoqué si ces derniers prescrivent des narcotiques ou d’autres substances aux membres de leur famille ou s’ils s’autoprescrivent ces substances. Prescrire tout médicament – en particulier des substances contrôlées – à soi-même, à un membre de sa famille ou à des amis pourrait entraîner des allégations d’inconduite professionnelle, tout comme le fait de traiter ces personnes.

Définir les paramètres

Un problème mineur peut se définir comme un cas qui ne présente aucune urgence ou gravité; il s’agit essentiellement de situations qui ne requièrent qu’un soin de routine à court terme et non de cas graves exigeant une expertise médicale. Une urgence, en revanche, signifie que quelqu’un est très souffrant ou risque de subir un préjudice grave si des soins médicaux ne lui sont pas prodigués rapidement.

On entend par membres de la famille ou amis les conjoints, partenaires, parents, enfants, membres de la fratrie, grands-parents ou petits-enfants des médecins; leur belle-famille immédiate entre aussi dans cette catégorie. Cette définition comprend en outre les personnes avec qui les médecins ont une relation personnelle ou émotionnelle ainsi que celles à qui ils auraient de la difficulté à rendre un diagnostic professionnel et objectif et à prodiguer des soins adéquats.

Il peut parfois être difficile pour les médecins de déterminer s’ils entretiennent une relation personnelle avec quelqu’un. Quand une telle situation survient, ils devraient évaluer si le fait de connaître cette personne pourrait influer sur la qualité des traitements prodigués. Les questions suivantes peuvent aider les médecins à préciser la nature de leurs relations avec une personne :2

  • Cette relation pourrait-elle faire en sorte que je n’agisse pas selon les intérêts véritables de la personne?
  • Pourrait-il être difficile pour moi de traiter cette personne si elle se sent mal à l’aise de poser les questions ou de se soumettre aux examens nécessaires pour que j’établisse son diagnostic? Pourrait-elle se sentir gênée de répondre franchement aux questions que je lui pose ou de se soumettre aux examens que je dois faire pour établir son diagnostic?
  • Le lien avec cette personne pourrait-il nuire au respect de la confidentialité ou complexifier une déclaration obligatoire?
  • Serait-il difficile de laisser cette personne prendre une décision personnelle en matière de soins de santé allant à l’encontre des conseils médicaux?

Les médecins devraient consulter les politiques du Collège de leur province ou territoire pour en savoir plus sur les obligations professionnelles concernant l’autotraitement ou le traitement de membres de leur famille et d’amis. Les médecins membres peuvent communiquer avec l’ACPM s’ils désirent recevoir des conseils à ce sujet.


Références

  1. Code d’éthique et de professionnalisme de l’Association médicale canadienne [Internet]. Ottawa: AMC; c2018 [cité le 10 févr. 2022]. Accessible : https://policybase.cma.ca/fr/permalink/politique13937
  2. Conseils à la profession : Politique sur le traitement de soi-même, des membres de sa famille ou d’autres proches par un médecin. Toronto: Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario; c2021 [cité le 10 févr. 2022]. Accessible : https://www.cpso.on.ca/fr/Physicians/Policies-Guidance/Policies/Physician-Treatment-of-Self-Family-Members-or

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