■ Sécurité des soins :

Amélioration de la sécurité des patients et réduction des risques

Vous acceptez de nouveaux patients... la clé d’une gestion efficace de la pratique

Il est crucial de suivre une démarche équitable et responsable

Médecin prenant des notes sur une tablette

5 minutes

Publié : septembre 2018 /
Révisé : octobre 2022

Les renseignements présentés dans cet article étaient exacts au moment de la publication

Une aînée jase avec son voisin médecin de famille. Elle lui confie ne pas être satisfaite des soins de la clinique sans rendez-vous du coin. Elle lui demande s’il peut l’accepter comme nouvelle patiente et lui décrit ses problèmes médicaux, lesquels nécessitent un traitement et un suivi continus. Le médecin lui répond qu’il n’accepte pas de nouveaux patients pour le moment, mais qu’il peut l’inscrire sur une liste d’attente. La voisine accepte d’être placée sur cette liste, même en sachant que l’attente peut être d’au moins six mois. Le lendemain, pour rendre service à sa voisine, le médecin demande à son assistant de la placer au haut de la liste. Est-ce approprié, compte tenu des circonstances?

Au Canada, bon nombre de gens ont de la difficulté à obtenir rapidement accès à des soins médicaux. Pour leur part, les médecins ont parfois de la difficulté à déterminer s’ils peuvent ou non accepter de nouveaux patients. Devant déjà assumer une lourde charge de travail, ils sont confrontés à un dilemme moral : refuser des patients pour assurer la bonne gestion de leur pratique.

De nombreux médecins (comme les médecins de famille prodiguant des soins primaires ou les consultants qui n’acceptent habituellement des patients que sur demande de consultation) font face à ce défi. Dans cet article, il est question de l’acceptation de nouveaux patients dans le cadre des soins primaires.

Malgré certaines variantes, les politiques des organismes de réglementation (Collèges) sur l’acceptation de nouveaux patients comptent de nombreuses similitudes fondées sur les responsabilités déontologiques, professionnelles et juridiques des médecins. Ceux-ci devraient respecter les éléments suivants au moment de répondre à une demande de soins continus d’une personne qui ne fait pas déjà partie de leurs patients :

  • urgence et nécessité
  • champ d’exercice et compétence clinique
  • discrimination
  • listes d’attente

Urgence et nécessité

En général, les médecins ne sont pas tenus de traiter une personne nécessitant des soins non urgents. Lorsqu’ils voient quelqu’un pour la première fois, ils doivent toutefois déterminer si les soins sollicités sont urgents. Bien que la prestation de soins d’urgence ne mène pas nécessairement à l’établissement d’une relation médecin-patient continue, elle est conforme à ce que le Code d’éthique et de professionnalisme de l’AMC prescrit à ce sujet : « Soigner au mieux de ses capacités toute personne ayant un besoin urgent de soins médicaux. »1

Les Collèges offrent des précisions à cet égard. Par exemple, le Collège des médecins et chirurgiens de la Colombie-Britannique déclare qu’en « situation d’urgence médicale, ses médecins membres doivent prodiguer les soins nécessaires en tenant compte de leur champ d’exercice, des options possibles et de la sécurité des patients ».2 [Traduction libre]

Dans certaines situations, les médecins devraient accorder la priorité aux personnes dont les problèmes complexes nécessitent une attention soutenue. L’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario (CPSO) conseille pour sa part aux médecins de faire appel à leur jugement professionnel pour déterminer s’il est approprié d’établir l’ordre de priorité des patients en fonction de leurs besoins, en tenant compte des facteurs sociaux qui pourraient influencer leur issue clinique (p. ex. le logement, la sécurité alimentaire, l’emploi et le revenu).3

Champ d’exercice et compétence clinique

Les médecins ne devraient pas refuser de nouveaux patients uniquement en fonction de la gravité d’un problème de santé ou de la charge de travail qu’un traitement exige. Néanmoins, ils peuvent généralement refuser des patients éventuels lorsque les besoins médicaux en cause ne relèvent pas de leur champ d’exercice ou dépassent leur compétence clinique. Cela dit, comme les médecins de première ligne ont un vaste champ d’exercice, ils peuvent difficilement invoquer ce motif pour justifier un refus de prise en charge.

Discrimination

Les médecins sont assujettis aux dispositions législatives de leur province ou territoire en matière de droits de la personne. De plus, le Code d’éthique et de professionnalisme de l’AMC indique que les médecins ont la responsabilité d’« accepter les patients sans discrimination (p. ex. : âge, incapacité, expression ou identité de genre, caractéristiques génétiques, langue, statut conjugal ou familial, trouble médical, origine ethnique, affiliation politique, race, religion, sexe, orientation sexuelle, statut socioéconomique) ».1 Cela dit, « les médecins conservent leur droit de refuser de soigner un patient pour des raisons légitimes ».1

Au moment de refuser une demande de prise en charge, les médecins doivent tenir compte des effets d’un tel refus sur la personne concernée. Certaines personnes pourraient l’interpréter comme de la discrimination, même lorsque le médecin n’avait aucune intention de cet ordre. Pour dissiper toute perception erronée, il est important que les médecins (ou les membres de leur personnel administratif) soient outillés pour communiquer clairement et respectueusement les motifs de leur refus.

Listes d’attente et parenté des patients

Les médecins disposés à accepter de nouveaux patients doivent généralement appliquer le principe du « premier arrivé, premier servi » aux personnes qui sollicitent leurs services et qui se trouvent dans une situation semblable, en suivant l’ordre où elles apparaissent sur la liste d’attente. Il est important de communiquer clairement le temps d’attente prévu aux patients éventuels se trouvant sur une liste, afin de gérer leurs attentes et de dissiper toute mésentente.

Il est généralement justifié que des médecins acceptent de traiter la parenté de leurs patients, même s’ils ne sont pas autrement disposés à agrandir leur patientèle. La prestation de soins à la parenté pourrait en effet permettre de mieux définir les antécédents familiaux d’une patiente ou d’un patient et, ce faisant, d’améliorer les résultats pour sa santé.

En bref

  • La décision d’accepter ou de refuser de nouveaux patients doit toujours être prise de bonne foi, conformément à la politique du Collège.
  • Votre décision peut dépendre de facteurs tels que la situation actuelle de votre pratique et votre aptitude à prodiguer les soins demandés ou attendus.
  • Lorsque vous décidez de ne pas traiter ou accepter de nouveaux patients, votre décision doit s’appliquer aux situations non urgentes seulement; vous devez en outre traiter tous les patients éventuels sur un pied d’égalité.
  • Discutez de votre refus avec la personne concernée de façon respectueuse et honnête, et consignez le tout dans vos dossiers.

Dans le cas présenté en introduction, la voisine nécessitait clairement un suivi médical, mais ses besoins immédiats n’étaient pas urgents. En la plaçant au haut de sa liste d’attente, le médecin a nui à d’autres patients qui attendaient depuis plus longtemps et dont les problèmes pouvaient être plus graves que ceux de la voisine. Dans cet exemple, une fois les besoins et la situation de la patiente établis, l’approche optimale aurait été de la placer sur la liste d’attente selon l’ordre habituel ou, dans la mesure du possible, de l’orienter vers une ou un collègue.


Références

  1. Association médicale canadienne [En ligne]. Ottawa (CA): AMC; 2018 (révisé en juin 2022). Code d’éthique et de professionnalisme de l’AMC [cité en juin 2022]. Accessible : https://policybase.cma.ca/viewer?file=%2Fmedia%2FPolicyPDF%2FPD19-03F.pdf#page=1
  2. College of Physicians and Surgeons of British Columbia [En ligne]. Vancouver (CA): CPSBC; nov. 2012 (mis à jour en mai 2022). Practice Standard, Access to Medical Care without Discrimination [cité en juin 2022]; [3 écrans]. Accessible : https://www.cpsbc.ca/files/pdf/PSG-Access-to-Medical-Care.pdf
  3. Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario [En ligne]. Toronto (CA): CPSO: nov. 2008 (mis à jour en mai 2017). Acceptation de nouveaux patients [cité en juin 2022]; [4 écrans]. Accessible : https://www.cpso.on.ca/fr/Physicians/Policies-Guidance/Policies/Accepting-New-Patients

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