Pour un suivi efficace en pratique clinique

Lisez le scénario suivant. Avec un meilleur suivi, les choses auraient-elles pu se passer autrement?

Un homme de 53 ans consulte une chirurgienne générale pour une coloscopie; la recherche de sang occulte dans les selles s’est révélée positive et le taux d’hémoglobine est de 72 g/L. La chirurgienne éprouve beaucoup de difficulté à effectuer la coloscopie et l’examen prend fin sans qu’elle puisse visualiser l’intégralité du côlon. Elle prescrit une colographie par tomodensitométrie pour écarter la présence d’une tumeur. Malheureusement, la demande d’examen est perdue et le patient ne subit jamais cette intervention. Des mois plus tard, il retourne à l’urgence en raison de symptômes d’occlusion intestinale; une intervention est pratiquée et révèle une importante tumeur occlusive. Malgré le traitement, le patient décède. Sa famille intente une action en justice : elle allègue une faute professionnelle dans l’établissement du diagnostic, attribuable à l’absence de suivi de l’examen prescrit par la chirurgienne.

Le suivi : une obligation professionnelle

De nombreux facteurs peuvent retarder l’établissement d’un diagnostic; oublier de communiquer le résultat d’un examen, par exemple. Les médecins peuvent limiter ces retards en cherchant à parfaire leur système de suivi des examens de laboratoire ainsi que des demandes d’imagerie diagnostique et de consultation.

De nombreux organismes de réglementation provinciaux et territoriaux (Collèges) ont des politiques qui définissent les attentes envers les médecins en ce qui concerne le suivi des demandes d’examen, d’imagerie et de consultation, et les résultats qui en découlent. Bien que certains types d’examens soient assujettis à des programmes de suivi organisés (p. ex. frottis de Pap, recherche de sang occulte dans les selles, mammographie), dans la plupart des autres cas, la responsabilité du suivi incombe à la ou au médecin ayant fait la demande.

Vers un système de suivi fiable : premières étapes

Certes, la mise en œuvre ou l’amélioration d’un système de suivi peut sembler ardue. Cela dit, le système en tant que tel n’a pas à être complexe : il doit toutefois être assez robuste pour que les demandes et les résultats d’examen soient traités dans un délai raisonnable.

Commencez par l’analyse de votre pratique. Déterminez les examens que vous prescrivez habituellement et dont la mauvaise gestion pourrait fort probablement donner lieu à un préjudice. Par exemple, si vous demandez régulièrement des examens pour déterminer la malignité de tumeurs (radiographie des poumons, tomodensitométrie, échographie, mammographie, antigène spécifique de la prostate) ou des coagulopathies (hémogramme, ratio international normalisé [RIN]), vous pourriez d’abord centrer vos efforts sur la mise sur pied ou l’amélioration d’un système structuré axé sur ces types d’examens.

Ne criez pas victoire à la première occasion : l’amélioration continue est essentielle à la fiabilité d’un système. Lorsque vous cernez un problème, misez sur une approche concertée avec les autres parties prenantes (p. ex. médecins consultant·es et personnel infirmier, administratif et de laboratoire) pour en arriver à une solution consensuelle.

Système de suivi : étapes suggérées

Le diagramme suivant, adapté de l’Agency for Healthcare Research and Quality (AHRQ) américaine, définit le processus de suivi des résultats d’examen comme une série d’étapes.¹ En apportant des améliorations à une ou à plusieurs de ces étapes, on peut atténuer le risque d’échec. Un système de suivi fiable compte des mesures de sauvegarde à chaque étape, de façon à assurer la redondance de la protection. Si l’une des étapes échoue, le processus compte une étape en aval pouvant, idéalement, redresser la situation.

Pour chacune de ces étapes, nous décrivons un problème possible, pour ensuite suggérer des solutions.

1. L’examen est prescrit
   Problème : Certains examens sont prescrits incorrectement ou inutilement. Les demandes sont mal étiquetées, ou les médecins ne se souviennent plus d’avoir prescrit l’examen ou pour quelle raison il avait été demandé.
   Solutions suggérées :
   • Ne prescrivez que les examens pertinents et nécessaires.²
   • Minimisez la variabilité en utilisant le même processus de demande pour un type d’examen donné.
   • Apprenez à votre personnel à confirmer avant toute chose les coordonnées de la ou du patient·e (et de la personne habilitée à consentir en son nom) au moment de l’accueil.
   • En clinique, utilisez un système qui exige que chaque médecin prescripteur·rice utilise la bonne demande.
2. L’examen est effectué
   Problème : Certain·es patient·es négligent de se présenter à leur examen ou doivent faire face à un long temps d’attente entre la demande et l’exécution de l’examen.
   Solutions suggérées :
   • Établissez une date limite raisonnable d’ici laquelle vous souhaitez recevoir les résultats, en tenant compte du contexte de votre pratique. Communiquez avec les patient·es dont les résultats n’ont pas été reçus à cette date pour leur rappeler de passer l’examen.
   • Favorisez la participation des patient·es à la prise en charge de leur santé et au suivi de leurs examens. Expliquez-leur l’importance de l’examen et demandez-leur de vous confirmer leur compréhension.
3. Les résultats sont générés et suivis
   Problème : Certains résultats d’examen cruciaux ne reçoivent pas l’attention requise.
   Solutions suggérées :
   • Consultant·es : Inscrivez clairement la mention « RÉSULTAT ANORMAL » ou « AVERTISSEMENT – CONSTATATION INATTENDUE » dans la partie supérieure de tout document indiquant des résultats anormaux ou inattendus.
   • Avisez verbalement la ou le médecin prescripteur·rice de tout résultat crucial ou inattendu.
   • Vous recevez un résultat anormal pour un examen que vous n’avez pas prescrit? Essayez d’établir qui devrait y donner suite (médecin la ou le plus responsable) et déterminez s’il y a lieu d’aviser les autres médecins du cercle de soins.
4. Les résultats sont transmis
   Problème : Certains résultats d’examen ne sont pas communiqués à la ou au médecin ayant fait la demande.
   Solutions suggérées :
   • Configurez un rappel électronique (dans votre DME ou calendrier) pour ne pas oublier de confirmer la réception d’un résultat en attente d’ici une date prédéterminée.
   • Avisez vos patient·es qu’on les appellera avant telle date, et dites-leur de communiquer avec votre cabinet si ce n’est pas le cas. Expliquez-leur qu’il s’agit d’une mesure de protection contre la perte occasionnelle de résultats d’examen.
   • Demandez aux médecins suppléant·es de maintenir une liste des résultats en attente. À votre retour, passez cette liste en revue et assumez la responsabilité du suivi de ces résultats.
   • Tenez compte de la fréquence à laquelle vous exercez dans chacun de vos lieux de travail et déterminez si vous êtes en mesure d’évaluer les résultats d’examen en temps opportun.
   • Si vous le pouvez, liez votre facturation à la réception des résultats d’examen : pas de résultats, pas de facture.
5. Les résultats sont analysés
   Problème : Les résultats d’examen ont été transmis, mais la ou le médecin ne les a pas vus.
   Solutions suggérées :
   • Passez régulièrement en revue les résultats d’examen afin de désencombrer votre boîte de réception.
   • Désignez des membres du personnel et formez-les pour qu’elles ou ils puissent analyser les résultats d’examen et signaler toute anomalie.
   • Face à un résultat que vous n’avez pas encore regardé, ne cliquez pas sur « Revu » ou « OK » seulement pour vous débarrasser d’une alerte de DME ou d’un message de rappel.
6. Les résultats sont consignés au dossier
   Problème : Les résultats d’examen sont versés au dossier avant que la ou le médecin ne les ait passés en revue.
   Solutions suggérées :
   • Avisez le personnel de ne pas verser de résultats au dossier tant que vous n’avez pas eu le temps de les voir et de créer un plan d’action en conséquence.
   • Approuvez les résultats et décrivez brièvement les mesures prises.
7. La ou le patient·e est avisé·e des résultats
   Problème : La ou le patient·e n’est pas avisé·e des résultats ou des mesures requises.
   Solutions suggérées :
   • Avant de donner suite aux demandes de renouvellement d’ordonnance par téléphone ou par télécopieur, vérifiez si des résultats sont en attente.
   • Établissez une politique quant au nombre de fois que le personnel de votre cabinet appellera la ou le patient·e pour le suivi d’une demande d’examen particulière, ainsi qu’en ce qui concerne le moment et la façon d’utiliser une méthode de rechange (p. ex. communiquer avec la personne à joindre en cas d’urgence ou avec celle qui est habilitée à consentir au nom de la ou du patient·e, en ayant obtenu le consentement requis au préalable).
   • Créez une alerte qui sera portée à votre attention et à celle de votre personnel la prochaine fois que vous communiquerez avec la ou le patient·e.
8. La ou le patient·e fait l’objet d’un suivi
   Problème : La ou le médecin ne prend pas de mesures après avoir reçu un résultat d’examen.
   Solutions suggérées :
   • Lorsqu’une investigation de suivi s’impose, prescrivez-la sur-le-champ dans la mesure du possible (n’attendez pas).
   • Joignez les résultats d’examen aux demandes de consultation pour qu’elles soient adéquatement priorisées par les médecins consultant·es.
   • En cas d’incertitude quant au suivi, communiquez avec les autres médecins du cercle de soins afin de déterminer si des mesures ont été mises en œuvre.

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Références

1. 1. 
   Agency for Healthcare Research and Quality [En ligne]. Rockville (MD): AHRQ. Improving Your Laboratory Testing Process [cité en décembre 2018]. Disponible : https://www.ahrq.gov/professionals/quality-patient-safety/hais/tools/ambulatory-care/labtesting-toolkit.html
2. 2. 
   Pour obtenir plus de renseignements sur l’utilisation adéquate des traitements et des examens cliniques, consultez le site Choisir avec soin au http://www.choisiravecsoin.org/

AVIS : Les renseignements publiés dans le présent document sont destinés uniquement à des fins générales. Ils ne constituent pas des conseils professionnels spécifiques de nature médicale ou juridique, et n’ont pas pour objet d’établir une « norme de pratique » à l’intention des personnes exerçant une profession de la santé au Canada. L’emploi que vous faites des ressources éducatives de l’ACPM est visé par ce qui précède et l’avis de non-responsabilité de l’ACPM dans son intégralité, « Contrat d’utilisation de l’ACPM ».