■ Obligations et responsabilités :

Les attentes vis-à-vis des médecins

Soins sécuritaires pendant la pandémie – tant en mode virtuel qu’en personne

Un médecin qui apparaît dans un écran d’ordinateur portable lors d’une visioconférence

7 minutes

Publié : mars 2021

Les renseignements présentés dans cet article étaient exacts au moment de la publication

Il est impératif de respecter la norme de pratique, peu importe le contexte

Pendant la pandémie de COVID-19, il peut être particulièrement difficile de choisir l’approche qui convient pour la prestation des soins. Les médecins se questionnent continuellement sur la meilleure façon d’offrir leurs services professionnels tout en assurant leur sécurité et celle de leurs patients. Ils peuvent se demander, par exemple, quels sont les principaux facteurs à considérer au moment de déterminer la meilleure approche à utiliser (évaluation virtuelle, évaluation en personne, ou approche hybride?) pour répondre aux besoins particuliers d’un patient donné.

Au début de la pandémie, les questions des membres de l’ACPM traitaient certes des soins virtuels, mais également d’autres enjeux urgents tels que le dépistage du virus et l’accessibilité de l’équipement de protection individuelle. Ces questions témoignaient de l’adoption rapide des soins virtuels; après avoir passé des années à envisager la mise en œuvre graduelle de modes virtuels de prestation des soins, certains cabinets ont dû s’y adapter pratiquement du jour au lendemain. Les médecins nous ont fait part de leurs préoccupations quant aux risques en matière de responsabilité médicale liés à la prestation de soins virtuels, et voulaient en savoir plus sur leur admissibilité à l’assistance de l’ACPM en cas de problèmes médico-légaux s’ils décidaient de prodiguer de tels soins.

Risques en matière de responsabilité médicale

Les risques en matière de responsabilité médicale liés à la prestation de soins virtuels ont traditionnellement été faibles. Entre 2015 et 2019, l’ACPM a traité en tout 45 dossiers impliquant des problèmes liés à la prestation de soins virtuels – soit une infime fraction des 36 586 plaintes aux organismes de réglementation (Collèges), plaintes intrahospitalières et actions civiles recensées au cours de la même période. Toutefois, cette analyse a été effectuée avant les transformations spectaculaires qui ont frappé les soins virtuels en 2020; nous ne connaîtrons donc les répercussions médico-légales de ces changements, le cas échéant, que dans les années à venir.

Les expertes et experts ayant analysé les dossiers remontant à la période 2015-2019 ont critiqué les aspects suivants des soins :

  • Le manque de rigueur dans l’évaluation clinique et les investigations effectuées par les médecins, qui a mené à des carences dans le processus décisionnel clinique.
  • La dérogation à une ligne directrice clinique ou à une mesure préconisée par un Collège ou une autorité en matière de santé.
  • Le manque de conscience situationnelle, y compris l’incapacité des médecins à reconnaître leurs propres lacunes, en matière de connaissances et de compétences, pour ce qui est de la gestion d’un problème médical au moyen de soins virtuels.
  • Les problèmes de communication entre médecins et patients, y compris l’omission d’obtenir le consentement éclairé ou d’aviser les patients de la nécessité de procéder plus tard à des visites en personne.
  • La déficience de la communication avec les autres médecins du cercle de soins, dont la ou le médecin de famille.
  • Les manquements à l’obligation de confidentialité (p. ex. transmettre des renseignements sur la santé des patients par courriel non chiffré).
  • L’absence de politiques et de processus administratifs ou leur caractère inadéquat (p. ex. absence d’une politique sur la protection des renseignements personnels en ce qui concerne l’utilisation, par le personnel, des médias sociaux dans leurs communications avec les patients).
  • Les carences dans la tenue des dossiers (c.-à-d. notes absentes ou minimales sur les interactions avec les patients).

L’une des principales questions que l’on a pu dégager des dossiers médico-légaux revenait à savoir si le choix d’une modalité technologique particulière pour procéder aux interactions avec les patients était approprié, compte tenu des circonstances de ces derniers.

Évolution des soins virtuels

Par soins virtuels, on entend les soins prodigués par télémédecine, sans caméra, ou encore au moyen de services de vidéoconférence ou d’autres outils faisant appel à Internet qui permettent aux médecins et à leurs patients de se voir à distance. Dans la plupart des cas, les soins virtuels seront utilisés de façon complémentaire dans un contexte permettant l’évaluation des patients en personne. Dans certains cas, la prestation de soins virtuels sans rencontre en personne pourrait s’avérer appropriée.

Attentes des organismes de réglementation

Les soins virtuels ne peuvent se substituer aux évaluations en personne ou aux examens cliniques, le cas échéant, ni au traitement du patient au service des urgences lorsque des soins urgents s’imposent. Cependant, de nombreux Collèges ont indiqué que, sauf dans les cas impliquant une réelle urgence, les médecins doivent généralement éviter de diriger une personne vers le service des urgences à titre de mesure d’appoint aux soins virtuels ou pour remplacer des rendez-vous en personne.

Les médecins doivent prendre connaissance des conseils en matière de prestation de soins virtuels formulés par le Collège, les organisations de médecins spécialistes, et les associations ou fédérations médicales de leur province ou territoire. Le Guide sur les soins virtuels1 de l’Association médicale canadienne constitue un exemple de ressource offrant des conseils pratiques sur le recours approprié à des soins virtuels.

En général, on s’attend à ce que les médecins respectent la norme de pratique, que les soins aient été prodigués de façon virtuelle ou en personne. Les médecins doivent ne pas perdre de vue les limites des soins virtuels et s’assurer d’offrir aux patients l’occasion de recevoir des soins en personne, lorsque cela s’avère possible et approprié. Cela étant dit, les Collèges et les tribunaux pourraient tenir compte des circonstances atténuantes qui auraient empêché un médecin de prodiguer des soins en personne, telles les conditions de travail du moment, l’accessibilité de l’équipement de protection individuelle et les ordonnances de santé publique en vigueur.

Considérations relatives au permis d’exercice

Avant de prodiguer des soins virtuels à des patients dans une autre province ou un autre territoire, les médecins doivent s’assurer d’avoir respecté les exigences applicables du permis d’exercice en matière de télémédecine ou de soins virtuels.

Les exigences applicables du permis d’exercice varient selon la province ou le territoire. Par exemple, le Collège des médecins et chirurgiens de la Nouvelle-Écosse autorise tout médecin détenant un permis d’exercice au Canada à offrir des services de télémédecine aux patients de la Nouvelle-Écosse, à moins que ceci ne leur soit expressément interdit par l’organisme de réglementation de leur province ou territoire. D’autres Collèges, comme celui du Québec, peuvent exiger que le médecin détienne un permis spécial et imposer des conditions à la prestation de tels services.

Gestion des attentes et des processus

Les médecins ont l’obligation déontologique d’établir une relation médecin-patient appropriée et d’en assurer le maintien, peu importe le contexte clinique. Au moment d’envisager le recours à des soins virtuels, il est d’abord recommandé de chercher à déterminer si une rencontre virtuelle se prêtera à une évaluation adéquate des patients, et si elle permettra d’établir et de favoriser une relation médecin-patient. Même lorsque les médecins concluent qu’il s’avère indiqué de procéder de cette façon pour une personne donnée, il est important de ne pas perdre de vue les limites des soins virtuels et de gérer les attentes de la personne en conséquence.

Parmi les changements qu’entraîne le recours aux soins virtuels, on trouve certes la modification du mode de consultation des patients, mais le recours à de tels soins peut également avoir pour effet de nuire à la communication avec les autres professionnels du cercle de soins, si le médecin ne consigne pas ses notes dans le dossier médical au moment de la rencontre virtuelle. Par conséquent, les processus existants pour gérer le suivi des soins, les demandes d’examen et la tenue des dossiers, qui ont été conçus pour la prestation de soins en personne, pourraient devoir être évalués et modifiés en fonction de la prestation de soins virtuels. Les exigences liées à la consignation de notes sur une rencontre clinique dans le dossier médical du patient sont les mêmes, que les soins aient été prodigués en mode virtuel ou en personne.

Protection en matière de responsabilité médicale

Les membres de l’ACPM sont généralement admissibles à une assistance dans le cadre de problèmes médico-légaux qui découlent de soins virtuels prodigués au Canada, lorsque la plainte au Collège ou l’action en justice est déposée au pays. Lorsque le médecin ou le patient (ou les deux) se trouvent à l’étranger et que la prestation de soins virtuels est envisagée, le médecin membre devrait consulter l’article « La prestation de soins virtuels (y compris de services de télésanté) »2 (accessible dans le site web de l’ACPM) pour obtenir plus de renseignements sur son admissibilité à l’assistance de l’Association. Les membres de l’ACPM peuvent également communiquer avec l’Association pour obtenir des conseils personnalisés.

En bref

  • Discutez avec les patients de la possibilité d’avoir recours à des soins virtuels et obtenez leur consentement.
  • Assurez-vous de disposer de systèmes robustes et uniformes pour le suivi des soins et la consignation des notes sur chacune des rencontres cliniques, que les soins aient été prodigués en mode virtuel ou en personne.
  • Intégrez la prestation de soins virtuels et en personne dans la mesure du possible, en fonction des circonstances.
  • Évitez d’avoir recours aux soins virtuels, si vous le pouvez, pour les patients ou les actes médicaux qui ne s’y prêtent pas bien.

Suggestions de lecture

Autres ressources

Références

  1. Dermer, M. Association médicale canadienne, Collège des médecins de famille du Canada, Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada;2020 Mar. Guide sur les soins virtuels [cité le 10 février 2021]
  2. Association canadienne de protection médicale. ACPM;2013. La pratique de la télésanté [cité le 10 février 2021]

AVIS DE NON-RESPONSABILITÉ : Les renseignements publiés dans le présent document sont destinés uniquement à des fins éducatives. Ils ne constituent pas des conseils professionnels spécifiques de nature médicale ou juridique et n’ont pas pour objet d’établir une « norme de diligence » à l’intention des professionnels des soins de santé canadiens. L’emploi des ressources éducatives de l’ACPM est sujet à ce qui précède et à la totalité du Contrat d’utilisation de l’ACPM.