En bref
- Dans certains hôpitaux et établissements de santé, des médecins participent volontairement à des programmes de pair-aidance informels pour aider leurs collègues, à la suite d’un incident lié à la sécurité des soins, à tirer des leçons de l’événement et à apaiser le sentiment d’anxiété qui pourrait en découler. Il faut toutefois savoir qu’il existe un risque médico-légal dans les cas où des renseignements échangés durant une rencontre de pair-aidance sont divulgués dans le cadre d’une poursuite judiciaire.
- Certains programmes de pair-aidance sont structurés de façon à protéger le contenu des discussions tenues pendant les rencontres. Pour assurer la confidentialité des échanges, le groupe devrait se doter d’un cadre de référence et d’une politique qui dictent la façon dont l’information sera traitée.
- Dans le cadre d’un tel programme, les pair·es aidant·es peuvent réduire leur risque en matière de responsabilité en connaissant leurs obligations et les limites de leur rôle, et en les énonçant clairement aux participant·es dès le départ.
Une intervention médicale de routine tourne mal et entraîne des difficultés motrices permanentes chez la personne soignée. Le médecin traitant a du mal à tourner la page. « Je ne pense pas avoir besoin de consulter, mais j’aimerais pouvoir parler de mon expérience de façon informelle à mes collègues dans l’espoir de tirer des leçons de leur point de vue », explique-t-il lorsqu’il contacte l’ACPM.
« À l’ACPM, nous avons conscience que les résultats cliniques imprévus peuvent nuire significativement aux médecins en cause », affirme le Dr Armand Aalamian, directeur administratif du service Soins médicaux sécuritaires et Équité, diversité et inclusion de l’Association. « En général, nous encourageons nos médecins membres à solliciter le soutien de collègues de confiance. Nous pensons que le fait de pouvoir se confier à d’autres médecins peut les aider à traverser une situation difficile et à apaiser le sentiment d’anxiété qui y est associé. Par contre, il faut garder en tête que même la pair-aidance informelle doit être régie par un ensemble de règles pour assurer la confidentialité des renseignements qui sont échangés ».
Le soutien qui s’offre aux médecins peut prendre différentes formes. Selon les circonstances, par exemple en cas d’épuisement professionnel, certain·es peuvent opter pour une approche formelle, comme de l’accompagnement professionnel et thérapeutique. Sur le site web de l’Association médicale canadienne, la page Services de soutien au bien-être des médecins présente une liste de programmes offerts par les associations et organisations médicales de chaque province ou territoire.
Les hôpitaux ou autres établissements de santé peuvent également offrir des services de pair-aidance informelle. Ces initiatives sont dites informelles parce qu’elles sont généralement menées par des médecins qui se portent volontaires à titre de pair·es aidant·es, et ce, en marge de leur travail professionnel médical.
Ces programmes permettent aux médecins d’obtenir l’aide et les conseils nécessaires auprès de collègues qui peuvent vivre des situations similaires, tout en favorisant une culture de confiance mutuelle. Alors, qu’est-ce qui pourrait mal tourner?
« Des renseignements confidentiels sur une patiente ou un patient pourraient faire l’objet d’une fuite et être utilisés lors de procédures judiciaires ou réglementaires subséquentes. Une telle situation pourrait nuire aux médecins en cause, qui ne cherchent qu’à tirer des leçons de l’événement et souhaitent continuer de prodiguer les meilleurs soins possible. Cela dit, le risque de divulgation de renseignements confidentiels ne devrait pas dissuader les médecins de participer à un programme de pair-aidance, surtout si ce dernier s’appuie sur un cadre de référence et une politique qui dictent la façon dont l’information sera traitée », ajoute le Dr Aalamian.
Protection des renseignements échangés
Les médecins qui participent à un programme de pair-aidance craignent parfois d’en dire trop ou de ne pas utiliser les bons mots, et que leurs propos soient par la suite utilisés comme preuve dans le cadre de procédures judiciaires. Bien que ces préoccupations soient légitimes, la protection accordée aux discussions entre participant·es et pair·es aidant·es dépend de la façon dont le programme est structuré.
Dans les actions civiles, tout renseignement pertinent est généralement admissible comme preuve; cependant, les renseignements échangés lors d’une rencontre de pair-aidance peuvent être protégés de la divulgation. Cela dépend de la structure de la rencontre, de l’admissibilité des sujets abordés et de l’existence d’un consensus, parmi les participant·es et les pair·es aidant·es, concernant la confidentialité de la rencontre.
Les programmes de pair-aidance peuvent être intégrés à des activités d’amélioration de la qualité menées conformément à la législation protégeant les renseignements contre la divulgation lors de procédures subséquentes, qu’elles soient judiciaires ou d’une autre nature. Pour en savoir plus, consultez le guide Évaluations en matière d’amélioration de la qualité et de l’acte médical : Leçons à tirer des incidents liés à la sécurité des patient·es et des incidents évités de justesse.
Si un groupe de pair-aidance n’est pas dirigé d’une façon qui permet de garantir la protection législative des renseignements, il est toujours possible pour les participant·es et les pair·es aidant·es de prendre des mesures pour accroître la probabilité que les renseignements soient protégés :
- Élaborer un cadre de référence et une politique stipulant que les participant·es et les pair·es aidant·es doivent maintenir la confidentialité de tous les renseignements ayant fait l’objet de discussions.
- Tenir les rencontres dans un endroit qui permet de préserver la confidentialité des renseignements.
- Si des notes sont prises pendant une rencontre de pair-aidance, celles-ci doivent demeurer confidentielles et n’être accessibles qu’aux personnes dont le nom figure dans le cadre de référence et la politique du programme.
Obligations éventuelles des pair·es aidant·es
Les pair·es aidant·es s’exposent à un risque accru en matière de responsabilité si les participant·es ont l’impression que les deux parties entretiennent une relation thérapeutique. Pour éviter de donner cette impression, la politique du programme de pair-aidance doit énoncer clairement les limites du rôle de pair·e aidant·e et préciser que les services offerts ne sont pas de nature thérapeutique ou ne relèvent pas d’une relation médecin-patient·e. Il est souhaitable que cette information soit transmise aux participant·es avant le premier contact avec un·e pair·e aidant·e. De plus, on peut aussi demander aux participant·es de reconnaître par écrit avoir pris connaissance de la description et des limites du rôle de pair·e aidant·e, et s’être engagé·es à consulter leur médecin ou à obtenir de l’aide auprès d’un programme de soutien formel, au besoin.
Malgré l’absence de relation médecin-patient·e, il se peut que le tribunal estime qu’un·e pair·e aidant·e avait un devoir de diligence envers un·e participant·e – par exemple, s’il était raisonnablement prévisible que la ou le participant·e se fierait aux conseils donnés pendant la rencontre. Pour éviter ce genre de situation, les pair·es aidant·es doivent :
- connaître leurs obligations et les limites de leur rôle, et s’assurer d’agir en conséquence;
- être au courant des autres ressources disponibles en matière de soutien professionnel pour les médecins;
- recevoir une formation adéquate sur le fonctionnement du programme de pair-aidance.
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