Risques médico-légaux en cardiologie : ce que les médecins doivent savoir

Sachez quels sont vos risques – Données par spécialité clinique

Un médecin ausculte le cœur d’une patiente à l’aide d’un stéthoscope.

8 minutes

Publié : avril 2025

À la fin de 2023, l’ACPM comptait 1 916 cardiologues (code de travail 70) parmi ses membres.

Le graphique ci-dessous présente une comparaison des tendances observées sur une période de 10 ans dans les dossiers médico-légaux ciblant les cardiologues et l’ensemble des membres de l’ACPM.

Quels sont les risques relatifs d’un problème médico-légal en cardiologie?

  •  Cardiologues, plaintes aux Collèges (n = 544)
  •  Cardiologues, actions civiles (n = 200)
  • Ensemble des membres de l’ACPM, plaintes aux Collèges (n = 47 958)
  •   Ensemble des membres de l’ACPM, actions civiles (n = 13 970)

Entre 2014 et 2023, le taux de plaintes aux Collèges 1 était invariablement et nettement moins élevé chez les cardiologues, comparativement à l’ensemble des membres de l’ACPM (p < 0,0001); quant au taux d’actions civiles, il était comparable dans les deux groupes.

Par rapport aux autres cardiologues, quel est le risque de vous faire citer dans des dossiers médico-légaux?

Pourcentage de cardiologues, fréquence des dossiers sur 5 ans


Pourcentage de cardiologues, fréquence des dossiers sur 5 ans
Aucun dossier 80,2
1 dossier 16,2
2 dossiers ou plus 3,6

Pourcentage de cardiologues, fréquence des dossiers sur 1 an



Pourcentage de cardiologues, fréquence des dossiers sur 1 an
Aucun dossier 94,7
1 dossier 4,9
2 dossiers ou plus 0,4

Environ 80 % des cardiologues n’ont vu leur nom cité dans aucun dossier médico-légal (y compris les actions civiles et les plaintes intrahospitalières ou aux Collèges) sur une période de cinq ans, soit entre 2019 et 2023 2. Moins de 4 % ont vu leur nom cité dans au moins deux nouveaux dossiers médico-légaux.

Au total, 5 % des cardiologues ont vu leur nom cité dans un dossier par année, en moyenne, et 0,4 %, dans au moins deux dossiers par année (fréquence la plus élevée de dossiers).

Les sections suivantes présentent les résultats tirés de 454 dossiers ayant fait l’objet de critiques par l’expertise médicale, y compris des actions civiles, des plaintes aux Collèges et des plaintes intrahospitalières ciblant des cardiologues et conclus par l’ACPM entre 2014 et 2023.

Quelles sont les plaintes le plus souvent émises par les personnes soignées et les critiques le plus couramment formulées par l’expertise médicale? 3 (n = 454)

Issue Allégations par des patient·es (%) Critiques formulées par l’expertise médicale (%)
Évaluation déficiente 37 11
Erreur de diagnostic 33 16
Problèmes de communication médecin-patient·e/famille 25 12
Surveillance ou suivi inadéquats 21 10
Comportement non professionnel 18 4
Omission de réaliser un test ou une intervention 18 10
Processus de consentement inadéquat 14 6
Processus décisionnel inadéquat en matière de prise en charge 9 3
Défaut d’orienter la personne vers un·e collègue 8 4
Lésion attribuable aux soins 8 8

Les plaintes reflètent le fait que, du point de vue des personnes traitées, un problème est survenu au cours de la prestation des soins. Ces plaintes ne sont pas toujours appuyées par l’opinion de l’expertise médicale. Il arrive que l’expertise n’ait pas de critiques à formuler quant aux soins prodigués, ou que ses critiques ne soient pas en lien avec les allégations des personnes soignées.

Critiques le plus souvent formulées par l’expertise médicale :

  • Problèmes de communication médecin-patient·e/famille. Par exemple, omission d’informer une personne des effets indésirables potentiels d’un médicament; de rappeler un·e patient·e en temps opportun; d’informer un·e patient·e de l’obligation et de l’intention de signaler une incapacité à conduire ou pouvant entraîner la suspension du permis de conduire auprès de l’autorité délivrant les permis de conduire; de décrire la nature d’un examen cardiaque avant de le réaliser.
  • Évaluation déficiente. Par exemple, omission de revoir les résultats des examens antérieurs, comme un ECG; d’évaluer adéquatement une douleur thoracique; de tenir compte des antécédents médicaux d’une personne; d’examiner une personne pour déceler les signes d’un AVC après une angiographie.
  • Omission de réaliser un test ou une intervention. Par exemple ne pas demander un examen diagnostique (comme une échocardiographie, une tomodensitométrie pour exclure la présence d’une dissection aortique ou un enregistrement Holter), ou le faire tardivement.
  • Surveillance ou suivi inadéquats. Par exemple, omission de surveiller une personne recevant un traitement à long terme avec l’amiodarone pour déceler les signes de toxicité; de demander une surveillance cardiaque continue; de suivre les résultats d’examens, comme une épreuve d’effort.
  • Tenue de dossiers inadéquate. Par exemple, omission de consigner au dossier les antécédents médicaux, les résultats de l’examen physique, les complications survenues durant une intervention, les changements à l’électrocardiographie, la discussion visant à obtenir le consentement ou les visites à la clinique.

Quels sont les motifs de consultation les plus fréquents dans les dossiers médico-légaux ciblant des cardiologues? (n = 454)

Cardiopathies ischémiques (p. ex. cardiopathie artérioscléreuse, infarctus du myocarde, angine de poitrine) (95), Arythmies (p. ex. fibrillation auriculaire, Valvulopathies (p. ex. sténose ou insuffisance aortique ou mitrale) (36), Insuffisance cardiaque (p. ex. insuffisance cardiaque congestive) (30), Malformations congénitales du système circulatoire (p. ex. communication interauriculaire, coarctation de l’aorte) (26), Cardiomyopathies (17)

  •   Cardiopathies ischémiques (p. ex. cardiopathie artérioscléreuse, infarctus du myocarde, angine de poitrine) (95)
  •   Arythmies (p. ex. fibrillation auriculaire, blocages cardiaques) (70)
  •   Valvulopathies (p. ex. sténose ou insuffisance aortique ou mitrale) (36)
  •   Insuffisance cardiaque (p. ex. insuffisance cardiaque congestive) (30)
  •   Malformations congénitales du système circulatoire (p. ex. communication interauriculaire, coarctation de l’aorte) (26)
  •   Cardiomyopathies (17)

Sur ces 454 dossiers, on a fait état d’un diagnostic manqué, d’un retard de diagnostic ou d’une erreur de diagnostic dans 72 cas. Voici les critiques formulées par l’expertise médicale en lien avec le diagnostic :

  • Omission de diagnostiquer un événement thromboembolique après une angiographie
  • Omission de réaliser rapidement une échocardiographie entraînant un diagnostic tardif de myxome
  • Diagnostic erroné d’hypertension pulmonaire après une mauvaise interprétation des résultats d’une échocardiographie

Parmi les interventions les plus invasives réalisées par les cardiologues, on compte un cathétérisme cardiaque, une angiocardiographie, une ablation cardiaque et l’implantation d’un stimulateur cardiaque.

La fréquence des motifs de consultation et des interventions thérapeutiques cités dans les dossiers médico-légaux reflète vraisemblablement les pratiques des cardiologues et ne témoigne pas nécessairement du risque élevé des affections et des interventions en cause.

Quels sont les principaux facteurs associés à un préjudice grave 4 dans les dossiers médico-légaux? (n = 454)

Factors associated with severe patient harm.

Facteurs liés aux patient·es 5

  • Âge d’au moins 65 ans
  • Obésité
  • Présence ou antécédents :
    • de cardiopathies ischémiques (p. ex. un infarctus du myocarde, une angine de poitrine, une cardiopathie artérioscléreuse)
    • d’insuffisance rénale
    • de maladies des artères, des artérioles et des capillaires (p.ex. dissection/anévrisme aortique, maladie vasculaire périphérique, athérosclérose artérielle)
  • Antécédents de trouble épisodique ou paroxystique (p. ex. apnée du sommeil, accident ischémique transitoire)
  • Complications :
    • de lésions thoraciques (p. ex. cardiocentèse, contusion cardiaque)
    • de maladies cérébrovasculaires (p. ex. infarctus cérébral)
    • d’autres troubles du système nerveux (p. ex. anoxie cérébrale)
    • de cardiopathies ischémiques (p. ex. infarctus du myocarde, cardiopathie artérioscléreuse, angine de poitrine)
  • Intervention chirurgicale invasive réalisée par un·e cardiologue ou d’autres spécialistes

Facteurs liés aux médecins 6

  • Omission de réaliser un examen ou une intervention (p. ex. enregistrement Holter, imagerie diagnostique comme une tomodensitométrie ou une angiographie)
  • Défaut d’orienter la personne vers une ou un collègue
  • Transfert inapproprié
  • Omission de procéder au transfert
  • Surveillance ou suivi inadéquats

Facteurs liés à l’équipe 6

  • Communication inadéquate avec les autres médecins
  • Tenue de dossiers inadéquate

Aide-mémoire pour réduire les risques

Dans une analyse exhaustive des dossiers médico-légaux, nous avons dégagé certains facteurs à considérer dans la gestion des risques en cardiologie en nous fondant sur les critiques formulées par l’expertise médicale :

  • faire une anamnèse appropriée (incluant les comorbidités et les traitements médicamenteux actuels) et un examen physique systématique adéquat (incluant les signes vitaux). Y joindre un aperçu de l’état actuel de la personne ainsi que des investigations;
  • vérifier si d’autres examens diagnostiques ou la consultation d’autres spécialistes sont nécessaires pour poser ou confirmer le diagnostic. Revoir les résultats des investigations pour s’assurer qu’ils correspondent à l’impression clinique et organiser un suivi approprié pour analyser sur tout écart;
  • veiller à ce qu’un système fiable soit en place pour favoriser l’obtention, l’analyse, la gestion et le suivi appropriés et en temps opportun des résultats d’examens, y compris la communication des résultats aux patient·es. Évaluer ce système régulièrement et en améliorer la qualité pour combler les lacunes;
  • consigner au dossier les antécédents médicaux (y compris les symptômes et les comorbidités), les résultats de l’examen physique, les réévaluations, les diagnostics différentiels, les investigations, le diagnostic et le raisonnement diagnostique. Ajouter tout plan de traitement ainsi que les directives relatives au suivi qui ont été communiqués aux patient·es, à leurs soignant·es ou à leur famille;
  • faire preuve d’empathie et donner du soutien. Veiller à ce que les questions et les préoccupations de la personne soignée et de sa famille soient prises en compte. Utiliser des techniques d’écoute active et personnaliser les communications de façon à satisfaire les différents besoins des patient·es et de leur famille.

Limites

Les nombres qui figurent dans ce rapport sont tirés des données médico-légales de l’ACPM. Les dossiers médico-légaux de l’ACPM ne représentent qu’une petite proportion des incidents liés à la sécurité des patient·es. De nombreux facteurs peuvent inciter une personne à intenter une poursuite ou à déposer une plainte, et ces facteurs varient grandement en fonction du contexte. Les dossiers médico-légaux peuvent donc être une précieuse source d’information sur des sujets importants, mais on ne peut les considérer comme représentatifs de l’ensemble des incidents liés à la sécurité des patient·es.

Maintenant que vous connaissez les risques liés à votre travail…

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Notes

  1. Les médecins n’ont pas l’obligation de signaler les plaintes au Collège à l’ACPM, et ne le font que sur une base volontaire. Par conséquent, il n’est pas possible de brosser un portrait complet de ce type de dossiers au Canada.
  2. En moyenne, un dossier médico-légal est ouvert deux à trois ans après un incident lié à la sécurité des patient·es. Ainsi, il est possible qu’un nouveau dossier médico-légal concerne un incident survenu il y a quelques années.
  3. Par expertise médicale, on entend les médecins experts et expertes qui interprètent les problèmes cliniques, scientifiques ou techniques liés aux soins prodigués et qui émettent une opinion à leur égard. Ces médecins ont habituellement une formation et une expérience semblables à celles de leurs collègues ayant prodigué les soins à évaluer.
  4. Un préjudice grave est un préjudice qui cause la mort, une blessure invalidante ou une incapacité majeure. Un préjudice lié aux soins de santé peut être attribuable au risque inhérent d’une investigation, d’un médicament ou d’un traitement. II peut également découler d’une défaillance dans le processus de prestation des soins.
  5. Les facteurs liés aux patient·es regroupent toutes les caractéristiques ou les affections médicales présentes au moment de la consultation médicale, ou tout événement survenant durant la consultation.
  6. D’après l’opinion d’expertes et d’experts. Comprend les facteurs liés aux personnes exerçant une profession médicale, à l’équipe et au système. En ce qui a trait aux dossiers de chirurgie, aucun facteur lié à tout système ne paraissait se dégager des données.