■ Obligations et responsabilités :

Les attentes vis-à-vis des médecins

Quand faut-il divulguer des informations confidentielles?

6 minutes

Publié : mars 2015

Les renseignements présentés dans cet article étaient exacts au moment de la publication

Les médecins font souvent face à des situations dans lesquelles leur obligation de maintenir la confidentialité des renseignements personnels sur la santé de leurs patients va à l’encontre d’autres obligations légales ou pose des problèmes de sécurité publique. Ces situations peuvent être difficiles à résoudre et exposer les médecins à des risques médico-légaux si elles ne sont pas adroitement gérées.

Obligation de confidentialité

L’obligation des médecins de maintenir la confidentialité des renseignements personnels de leurs patients constitue un élément fondamental de la relation thérapeutique. Cette obligation permet aux patients de se sentir libres de parler à cœur ouvert avec leur médecin de préoccupations sur leur santé ou de leurs antécédents médicaux, ce qui améliore le résultat thérapeutique.

L’obligation de confidentialité est tout autant une obligation déontologique qu’une obligation légale. Cependant, il ne s’agit pas d’une obligation absolue et il existe des exceptions dans des circonstances limitées.

Ces exceptions peuvent se présenter dans deux contextes différents :

  1. lorsqu’un médecin a l’obligation légale de divulguer les informations, ou
  2. lorsqu’un médecin a l’autorisation légale de divulguer les informations.

Dans le premier cas, les médecins doivent divulguer des renseignements médicaux (par ex., obligation de signaler), tandis que dans le second, les médecins peuvent divulguer les informations (par ex.; exceptions légales à la protection des renseignements personnels permettant aux médecins de divulguer des renseignements personnels sur la santé sans consentement).

Obligation de signaler

Certaines lois, politiques ou règlements peuvent obliger les médecins à communiquer des informations confidentielles sur un patient à un tiers, comme une entité gouvernementale. Il s’agit de ce que l’on appelle généralement « l’obligation de signaler ».

Ainsi, chaque province et territoire a promulgué des lois qui obligent les médecins à signaler un enfant ayant besoin de protection aux autorités compétentes, ou signaler les patients atteints de certaines maladies transmissibles au médecin-conseil en santé publique. Dans certaines provinces et certains territoires, les textes de loi sur la sécurité routière exigent des médecins qu’ils signalent tout patient dont l’état de santé rend la conduite dangereuse.1 Par ailleurs, de nombreux organismes de réglementation de la médecine (Collèges) exigent de leurs membres qu’ils signalent les collègues incapables ou inaptes qui peuvent représenter un risque pour la sécurité des patients, et cela même si ces collègues sont des patients. Les médecins pourraient également être tenus par une ordonnance d’un tribunal de divulguer des informations confidentielles sur un patient.

Les risques médico-légaux

Lorsque la divulgation d’informations confidentielles est exigée par la loi, les médecins ne peuvent généralement se faire reprocher d’avoir porté atteinte à la confidentialité s’ils ont communiqué ces informations de bonne foi. En règle générale, la loi protège les médecins en cas de rapports faits de bonne foi.

Si un médecin refuse de divulguer des informations alors qu’il en a l’obligation légale, il peut être accusé d’inconduite professionnelle. Ainsi, certains tribunaux en Ontario ont tenu des médecins responsables pour ne pas avoir signalé des patients inaptes à conduire.2 En Ontario, l’obligation de signaler les conducteurs inaptes est sans exception, même si le médecin se fait dire par le patient qu’il ne conduira pas, et s’il sait que le patient a déjà fait l’objet d’un signalement.

Les médecins doivent connaître et respecter leurs obligations de signalement. Au moment d’effectuer un signalement, il convient de s’assurer qu’il est fait de bonne foi et que seules les informations exigées dans les circonstances précises sont communiquées.

Existe-t-il une « obligation d’alerter »?

Les tribunaux n’ont pas expressément imposé aux médecins l’« obligation d’alerter » un tiers qu’un patient représentait un danger. Cependant, la Cour suprême du Canada a statué qu’un médecin était autorisé à avertir la police s’il avait connaissance qu’un patient représentait un danger grave et imminent pour un groupe identifiable de personnes contre lequel le patient a proféré des menaces précises.3

La Cour suprême a reconnu que les médecins peuvent divulguer des renseignements personnels confidentiels relatifs à un patient dans certaines circonstances limitées et exceptionnelles qui les amènent à croire qu’une personne ou un groupe de personnes identifiables sont exposés à un danger imminent de préjudice physique grave ou de mort. Toutefois, la Cour a expressément refusé d’aborder la question d’une obligation de signalement des médecins dans le contexte de la relation médecin-patient.

Lois

Les textes de loi sur la protection de la vie privée reconnaissent également que les médecins ont l’autorisation de divulguer des renseignements confidentiels sur les patients dans le but d’avertir un tiers et d’écarter un risque imminent de préjudice physique grave pour une personne ou un groupe de personnes identifiables.

Au Québec, la loi autorise un médecin à avertir les autorités policières s’il « a un motif raisonnable de croire qu’une personne a un comportement susceptible de compromettre sa sécurité ou celle d’autrui avec une arme à feu ».4 En règle générale, les médecins ne sont tenus de communiquer que les renseignements nécessaires pour faciliter l’intervention de la police, mais cela peut comprendre des renseignements protégés par le secret professionnel.

Politiques ou lignes directrices

Le Code de déontologie de l’AMC stipule qu’un médecin peut divulguer à des tiers les renseignements personnels sur la santé d’un patient sans son consentement « lorsque le maintien de la confidentialité risquerait de causer un préjudice grave à des tiers ou, dans le cas de patients inaptes, aux patients eux-mêmes ».5

Plusieurs Collèges ont repris ce principe dans le cadre de politiques et de lignes directrices. Les médecins doivent connaître les règlements pertinents de leur organisme de réglementation.

Risques médico-légaux

Les médecins peuvent être confrontés à un patient qui profère des menaces contre une autre personne, qui a l’intention de prendre le volant avec les facultés affaiblies pour retourner chez lui, ou qui refuse de divulguer qu’il est séropositif à ses partenaires sexuels. Dans ces circonstances, les médecins peuvent se demander s’ils

  • devraient discuter avec le patient des démarches raisonnables à entreprendre pour diminuer les risques immédiats (par ex., offrir du counseling, organiser le transport ou offrir d’aider les patients à discuter avec leurs partenaires);
  • ont une obligation de signaler (par ex., dans le cadre de la réglementation en matière de santé publique, de protection de l’enfance ou de transports routiers; et
  • sont autorisés à signaler à un tiers, comme les autorités policières, une menace à autrui.

Consultez l’ACPM

Les médecins sont encouragés à demander des conseils auprès de l’ACPM sur le caractère approprié et la portée de la divulgation à un tiers de renseignements confidentiels sur un patient. Les renseignements confidentiels ne doivent être divulgués à un tiers que lorsque les critères légaux stricts exigeant ou autorisant cette divulgation ont été satisfaits. En règle générale, les renseignements confidentiels devant fait l’objet d’une divulgation devraient se limiter aux informations nécessaires pour la protection du patient lui-même ou d’autrui.

Gestion des risques

  • Connaître les obligations de signalement applicables. Limiter la divulgation aux renseignements strictement nécessaires pour satisfaire l’obligation de signalement.
  • En cas de préoccupation au sujet d’une menace potentielle à l’égard d’un patient ou d’un tiers, se demander si les circonstances respectent les critères stricts donnant lieu au pouvoir discrétionnaire de signaler
  • Être impartial et précis lors de la divulgation de renseignements à un tiers;
  • Le cas échéant, envisager d’informer le patient de l’intention de signaler ou de divulguer des renseignements personnels sur sa santé ainsi que des informations qui seront communiquées. Cela n’est pas nécessaire si vous pensez que cette démarche représente un risque pour vous-même ou autrui.
  • Consigner au dossier médical toute discussion avec le patient, les renseignements divulgués au tiers et les faits donnant lieu à l’obligation de signaler ou la conviction qu’il existe un danger imminent de préjudice physique ou de mort pour une personne ou un groupe de personnes identifiables.
  • Ne pas hésiter à communiquer avec l’ACPM pour obtenir plus d’informations et de conseils sur l’obligation de protéger la confidentialité des renseignements personnels des patients.

 


 

Références

  1. Dans certaines provinces et certains territoires, comme l’Alberta, le Québec et la Nouvelle-Écosse, le signalement d’un conducteur inapte est laissé à la discrétion du médecin.
  2. Toms v. Foster (1994); Spillane v. Wasserman (1992).
  3. Smith c. Jones (1999). La Cour suprême du Canada n’a pas suivi l’exemple des décisions judiciaires aux États-Unis telles que Tarasoff v. Regents of University of California (1976), qui ont imposé une « obligation de signaler » distincte aux médecins.
  4. Loi visant à favoriser la protection des personnes à l’égard d’une activité impliquant des armes à feu, L.R.Q. c. P-38.001.
  5. Association médicale canadienne, « Code de déontologie de l’AMC », 2004. Consulté le 9 février 2015. https://www.cma.ca/fr/Pages/code-of-ethics.aspx

AVIS DE NON-RESPONSABILITÉ : Les renseignements publiés dans le présent document sont destinés uniquement à des fins éducatives. Ils ne constituent pas des conseils professionnels spécifiques de nature médicale ou juridique et n’ont pas pour objet d’établir une « norme de diligence » à l’intention des professionnels des soins de santé canadiens. L’emploi des ressources éducatives de l’ACPM est sujet à ce qui précède et à la totalité du Contrat d’utilisation de l’ACPM.