■ Sécurité des soins :

Amélioration de la sécurité des patients et réduction des risques

Lorsqu’on vous demande votre opinion professionnelle, un devoir de diligence pourrait être établi

5 minutes

Publié : janvier 2019

Les renseignements présentés dans cet article étaient exacts au moment de la publication

Lorsque vous émettez des commentaires ou opinions cliniques en sachant que d’autres personnes s’y fieront probablement pour prendre des décisions concernant les soins d’un patient, il se pourrait que vous ayez un devoir de diligence envers ce patient − même si vous ne l’avez jamais vu.

Considérons le scénario suivant dans lequel un devoir de diligence est établi à la suite d’une « consultation de couloir ». Bien que ce genre de consultation ait souvent lieu en personne, elle peut aussi se faire par d’autres moyens de communication, comme un appel téléphonique, un message texte ou un courriel.

Fracture ouverte non diagnostiquée chez une enfant

Une jeune fille de 11 ans arrive à l’urgence pour une fracture du radius et du cubitus avec déplacement minime. Elle a aussi une petite plaie punctiforme à l’avant-bras. Le médecin à l’urgence montre les radiographies au chirurgien orthopédiste de garde, qui se trouve dans le service pour voir un autre patient. Le chirurgien examine les radiographies, mais n’est pas informé des autres détails pertinents concernant la patiente et ne s’en enquiert pas. Il dit au médecin à l’urgence que l’alignement semble acceptable et lui conseille de panser la plaie, de plâtrer le bras et d’effectuer un suivi clinique dans une semaine. Le chirurgien croit comprendre que la plaie n’est qu’une abrasion. Il ne voit ni n’évalue la patiente ni aucune autre partie de son dossier, sauf les radiographies.

La plaie, en fait, est une constatation importante; il s’agit du résultat d’une fracture ouverte. La patiente présente par la suite une infection, un syndrome du compartiment et une nécrose des tissus. Sa famille intente une action en justice et dépose également une plainte auprès de l’organisme de réglementation (Collège) contre le médecin et le chirurgien à l’urgence.

Le chirurgien orthopédiste a de la difficulté à accepter quelque responsabilité que ce soit dans ce dossier étant donné qu’il n’a pas vu la patiente. Toutefois, le tribunal conclut qu’il avait effectivement un devoir de diligence envers celle-ci puisqu’il avait accepté de discuter de son cas avec le médecin à l’urgence, qu’il avait examiné les radiographies et qu’il avait émis une opinion sur les soins, alors qu’il savait ou aurait dû savoir que le médecin à l’urgence s’y fierait pour traiter la patiente.

Ce que disent les tribunaux sur le devoir de diligence

La question de savoir si un devoir de diligence est établi ne peut être tranchée par les tribunaux qu’après examen des faits de chaque cas. On constate le plus souvent qu’il existe un devoir de diligence lorsqu’une relation traditionnelle médecin-patient est établie. Toutefois, le médecin peut aussi être tenu de donner des conseils appropriés, conformément à la norme de pratique applicable, dans des circonstances allant au-delà de cette relation traditionnelle. Au moins un tribunal canadien a laissé entendre qu’un médecin peut avoir un devoir de diligence, même s’il n’a pas vu le patient ou interagi directement avec celui-ci; p. ex. s’il prodigue des conseils à un collègue au cours d’une discussion de couloir informelle.1

Pour déterminer s’il existe un devoir de diligence, il faut se demander si le consultant savait ou aurait dû savoir que l’on se fierait à ses conseils pour prendre des décisions cliniques dans les soins au patient. Dans le cas de la jeune fille qui s’est fracturée le bras, le tribunal a conclu que le chirurgien orthopédiste avait un devoir de diligence, en partie parce qu’il savait, ou aurait dû savoir, que le médecin à l’urgence tiendrait compte de ses conseils et recommandations dans ces circonstances.

Si le tribunal conclut que le consultant a un devoir de diligence envers le patient, il doit ensuite déterminer si le médecin a respecté la norme de pratique applicable lorsqu’il a prodigué des conseils à l’égard des soins. Cette norme sera déterminée par le tribunal en fonction des pratiques reconnues de la profession au moment en question.

L’une des façons d’établir si un consultant a respecté la norme de pratique consiste, pour les tribunaux, à déterminer si le médecin disposait de suffisamment d’information pour se prononcer sur un diagnostic possible. Dans le cas de la jeune fille, le Collège a constaté que, malgré l’examen des radiographies, le chirurgien orthopédiste avait prodigué des conseils fondés sur des renseignements limités. Il n’a pas pris connaissance d’autres données cliniquement pertinentes, comme l’anamnèse de la patiente, les détails de l’accident ou les blessures qu’elle présentait à son arrivée à l’urgence. Il importe de s’assurer que l’on dispose d’information suffisante avant de se prononcer ou d’émettre une opinion clinique sur le diagnostic ou les options de traitement d’un patient, étant donné qu’un collègue pourrait s’y fier pour prodiguer un traitement.

En bref

La prestation de conseils lors de « consultations de couloir » est un élément important et nécessaire de la pratique clinique et de la qualité des soins aux patients. Lorsque vous accordez de tels conseils ou consultations, vous devez tenir compte du fait que vous avez peut-être un devoir de diligence envers ce patient − même si vous ne l’avez pas vu. Cela ne devrait pas vous dissuader de prodiguer de tels conseils à vos collègues, mais il faut tenir compte des éléments suivants :

  • Sachez qu’une discussion informelle entre collègues, que ce soit dans le couloir, par voie électronique ou en ligne, peut entraîner une action en justice ou une plainte auprès du Collège contre le consultant, même si ce dernier n’a pas évalué directement le patient.
  • Avant de prodiguer des conseils médicaux par tout moyen de communication, déterminez si vous disposez de suffisamment d’information pertinente sur le patient et sur les faits cliniques – posez des questions, examinez des documents supplémentaires ou proposez de voir le patient lorsque cela est approprié et nécessaire pour formuler un avis.
  • Faites des efforts raisonnables pour consigner toute information et tout conseil que vous avez donné. Bien que, dans certains cas, vous puissiez être limité par le fait que vous ne connaissez pas le nom du patient et que vous n’avez pas accès à son dossier médical, votre hôpital ou votre établissement peut avoir des politiques ou des protocoles pour la tenue des dossiers dans de telles circonstances.




Références

  1. Crawford v Penney (2003) CanLll 32636 (CS ON), conf. par 2004 CanLll 22314 (ON CA)

AVIS DE NON-RESPONSABILITÉ : Les renseignements publiés dans le présent document sont destinés uniquement à des fins éducatives. Ils ne constituent pas des conseils professionnels spécifiques de nature médicale ou juridique et n’ont pas pour objet d’établir une « norme de diligence » à l’intention des professionnels des soins de santé canadiens. L’emploi des ressources éducatives de l’ACPM est sujet à ce qui précède et à la totalité du Contrat d’utilisation de l’ACPM.