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Amélioration de la sécurité des patients et réduction des risques

L’évaluation de l’aptitude et ses défis pour les médecins

Médecin saisissant de l’information dans son ordinateur portable, assis en face d’un patient.

7 minutes

Publié : décembre 2020

Les renseignements présentés dans cet article étaient exacts au moment de la publication

Les médecins évaluent l'aptitude de certains patients pour diverses raisons et dans des circonstances distinctes. Dans leur pratique quotidienne, ils évaluent généralement l'aptitude de leurs patients à consentir aux soins de façon éclairée. Toutefois, on peut également leur demander d'évaluer l'aptitude d'un patient à prendre des décisions dans des situations n'étant pas liées à un traitement clinique.

Les évaluations de l’aptitude à prendre des décisions dans une situation autre que le consentement à un traitement font appel au jugement d’un médecin, mais ne servent pas à des fins médicales. Elles peuvent être requises pour activer une procuration ou un accord de représentation en vertu de lois telles que la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui de l’Ontario ou la Representation Agreement Act de la Colombie-Britannique. Elles peuvent aussi être demandées par la famille ou les avocats lorsqu’un patient modifie son testament ou sa procuration. Les médecins se demandent souvent s’ils sont tenus de procéder à ce genre d’évaluation, ou s’ils ont besoin d’une formation ou d’une accréditation spéciale pour le faire.

Bien que les évaluations diffèrent selon qu’elles visent l’aptitude à consentir à un traitement ou l’aptitude à prendre des décisions dans une situation autre que le consentement à un traitement, elles peuvent dans les deux cas présenter des défis particuliers pour les médecins. Tenez compte des éléments suivants lorsque vous procédez à de telles évaluations.

I. Évaluations de l’aptitude à consentir à un traitement

L’aptitude peut varier selon le traitement proposé

Les patients sont généralement aptes à consentir à un traitement s’ils comprennent l’information qui leur est présentée pour prendre une décision, ainsi que les conséquences raisonnablement prévisibles de celle-ci.

Toutefois, l’aptitude varie toujours en fonction du moment et du contexte. Elle devrait donc être réévaluée chaque fois qu’il y a un changement dans l’état de santé d’un patient, ainsi que pour tout nouveau traitement proposé. Les médecins ne peuvent pas présumer que l’aptitude constatée chez un patient par rapport à un traitement est toujours présente lors d’un autre traitement. L’aptitude doit toujours être déterminée en fonction des faits et des circonstances de chaque cas.

Une réévaluation de l’aptitude est requise pour le consentement à un nouveau traitement

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Un homme de 75 ans atteint de démence au stade initial se présente au cabinet de son médecin de famille, accompagné de sa conjointe. La médecin établit un diagnostic de pharyngite streptococcique. En discutant de l’utilisation des antibiotiques, elle détermine que le patient comprend les conséquences raisonnablement prévisibles du médicament qui lui est proposé. Elle entreprend donc ce traitement.

Trois semaines plus tard, ce patient consulte de nouveau et présente une anxiété grave. La médecin pense qu’un anxiolytique pourrait soulager ses symptômes. Toutefois, elle ne pense pas que le patient comprenne les effets secondaires potentiellement graves de ce type de médicament, ainsi que le risque de dépendance qui y est associé. Avant de prescrire le médicament, la médecin demande donc à la décideuse remplaçante du patient (sa conjointe) de consentir au traitement. La médecin consigne clairement les résultats de son évaluation de l’aptitude, ainsi que le fait que la décideuse remplaçante a consenti au nom du patient.

Les évaluations peuvent servir de preuves dans les procédures judiciaires

Les médecins qui évaluent l’aptitude d’un patient à consentir à un traitement doivent savoir que des tiers pourraient ultérieurement se servir d’une telle évaluation pour démontrer que ce patient était apte (ou inapte) à prendre des décisions dans une situation autre que le consentement à un traitement. Un médecin peut recevoir une assignation à comparaître devant un tribunal pour y fournir des preuves à cet effet.

Vous pouvez prendre des mesures pour vous préparer à une telle éventualité, notamment en indiquant clairement dans vos notes au dossier le fondement de vos constatations, tout examen effectué pour évaluer l’aptitude, les dates et les résultats des évaluations, et tout deuxième avis demandé.

Une médecin est invitée à se prononcer sur l’aptitude antérieure d’un patient à prendre des décisions dans une situation autre que le consentement à un traitement

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Un avocat spécialisé dans les successions, qui représente le fils d’un patient, communique avec la médecin de famille de ce dernier. Le fils cherche à contester un changement que son père a apporté à son testament un an plus tôt. L’avocat demande à la médecin si elle a vu le patient à ce moment-là. Celle-ci lui répond qu’elle l’a vu, mais qu’elle a uniquement évalué son aptitude à consentir à un traitement médical. Ses notes reflètent clairement le motif et la nature de son évaluation.

Comme son évaluation ne portait pas sur l’aptitude du patient à prendre des décisions dans une situation autre que le consentement à un traitement au cours de l’année antérieure, la médecin peut affirmer à l’avocat qu’elle ne se sent pas suffisamment informée ou à l’aise pour se prononcer sur l’aptitude du patient à prendre des décisions financières ou testamentaires au moment en question. Elle ne peut qu’affirmer que le patient était apte à prendre des décisions sur les soins médicaux requis.

II. Évaluations de l’aptitude à prendre des décisions dans une situation autre que le consentement à un traitement

Dans la plupart des provinces et territoires du Canada, les procédures légales de désignation d’un tuteur, de désignation d’un représentant personnel ou d’activation d’une procuration ou d’une directive personnelle exigent que le demandeur obtienne l’un des deux éléments suivants :

  • une évaluation de l’aptitude du patient effectuée par un médecin
  • une déclaration sous serment d’un médecin attestant de l’aptitude du patient

Dans un certain nombre de provinces et de territoires, les médecins doivent remplir des conditions particulières pour être autorisés à évaluer l’aptitude d’un patient, lorsqu’une telle évaluation s’inscrit dans le cadre d’un processus visant à activer une procuration ou à nommer un décideur remplaçant ou un tuteur. 2Les médecins qui ne remplissent pas les conditions légales ne doivent pas effectuer ce genre d’évaluation.

Dans les provinces et territoires qui n’exigent pas d’accréditation particulière, tout médecin peut être sollicité pour évaluer l’aptitude d’un patient dans le but d’émettre une opinion à l’égard de celle-ci. Dans de telles circonstances, les médecins doivent généralement évaluer uniquement l’aptitude globale d’un patient à comprendre les renseignements pertinents pour pouvoir prendre une décision et à mesurer les conséquences raisonnablement prévisibles d’une décision ou d’une absence de décision.

Bien que les médecins n’aient aucune obligation légale d’évaluer l’aptitude d’un patient à prendre des décisions dans une situation autre que le consentement à un traitement, ils devraient toutefois se demander si de telles évaluations seraient dans l’intérêt de leur patient. Les patients inaptes à prendre des décisions personnelles et financières importantes auront besoin qu’un décideur remplaçant soit nommé, et cela ne peut se faire sans l’évaluation ou l’avis d’un médecin en ce qui a trait à leur aptitude. Il peut également être difficile pour certains patients ou certaines familles de faire appel à un autre médecin, non traitant, pour effectuer ces évaluations ou émettre une opinion à cet égard.

Les médecins qui estiment ne pas avoir l’expérience ou les compétences nécessaires pour émettre une opinion sur l’aptitude d’un patient à prendre des décisions dans une situation autre que le consentement à un traitement peuvent choisir d’orienter le patient vers un médecin spécialisé pour obtenir un examen plus approfondi. Les médecins qui ont la capacité et l’expérience nécessaires pour effectuer des évaluations de l’aptitude d’un patient à prendre des décisions dans une situation autre que le consentement à un traitement et qui refusent de le faire s’exposent à de possibles plaintes auprès de l’organisme de réglementation de la médecine (Collège).

Il est essentiel d’assurer une bonne tenue des dossiers

Une bonne tenue des dossiers est importante, quel que soit le type d’évaluation de l’aptitude. En particulier, lorsque vous évaluez l’aptitude d’un patient à prendre des décisions dans une situation autre que le consentement à un traitement, veillez à ce que vos notes indiquent clairement le but, la date et les résultats de l’examen.

Communiquez avec l’ACPM pour obtenir des conseils si vous avez des questions concernant les évaluations de l’aptitude.

En bref

  • Certains médecins effectuent régulièrement des évaluations de l’aptitude à consentir à un traitement. Toutefois, on peut également leur demander d’évaluer l’aptitude d’un patient à prendre des décisions dans une situation autre que le consentement à un traitement.
  • Les médecins doivent réévaluer l’aptitude d’un patient à consentir à un traitement chaque fois qu’il y a un changement dans son état de santé ou qu’un nouveau traitement lui est proposé.
  • Dans certaines circonstances, un médecin peut devoir orienter un patient vers un médecin plus spécialisé ou un autre professionnel de la santé pour procéder à une évaluation de son aptitude à prendre des décisions, qu’il s’agisse du consentement à un traitement ou d’une autre situation.

Références

  1. Ce scénario est fondé sur une compilation de données provenant des dossiers de l’ACPM.
  2. Par exemple, voir la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui de l’Ontario et la Adult Guardianship and Trusteeship Act, 2008, de l’Alberta.

AVIS DE NON-RESPONSABILITÉ : Les renseignements publiés dans le présent document sont destinés uniquement à des fins éducatives. Ils ne constituent pas des conseils professionnels spécifiques de nature médicale ou juridique et n’ont pas pour objet d’établir une « norme de diligence » à l’intention des professionnels des soins de santé canadiens. L’emploi des ressources éducatives de l’ACPM est sujet à ce qui précède et à la totalité du Contrat d’utilisation de l’ACPM.