■ Obligations et responsabilités :

Les attentes vis-à-vis des médecins

Mes patients, mes dossiers?

7 minutes

Publié : mars 2020

Les renseignements présentés dans cet article étaient exacts au moment de la publication

Si vous vous joignez à une pratique de groupe, assurez-vous de protéger votre droit d’accès aux dossiers médicaux après votre départ

À un certain moment de votre vie professionnelle, et surtout en début de carrière, il se peut que vous quittiez un milieu de pratique pour un autre. Le directeur médical de la clinique pourrait alors vous informer que vous ne pouvez pas emporter les dossiers médicaux de vos patients. Ceci pourrait vous surprendre et vous déconcerter car, après tout, vous estimez qu’il s’agit de vos patients.

À moins d’être le dépositaire des dossiers médicaux ou d’avoir conclu une entente avec les propriétaires de la clinique vous accordant un accès continu aux dossiers après votre départ, vous devrez peut-être prendre l’une des trois mesures suivantes : abandonner les dossiers, négocier un accès continu au besoin ou demander aux patients de vous en fournir une copie. Négocier l’accès ou demander des copies aux patients peut prendre du temps, ce qui risque d’être particulièrement inquiétant si une plainte est déposée auprès de l’organisme de réglementation (Collège) ou si une action en justice liée aux soins de ce patient est intentée contre vous.

Traiter un patient ne fait pas nécessairement de vous le dépositaire de son dossier

Traiter un patient, créer son dossier médical ou y contribuer ne signifie pas toujours que vous êtes le dépositaire de ce dossier. Cela ne vous donne pas non plus nécessairement le droit de conserver le dossier ou d’y accéder une fois que vous quittez la pratique. Bien que les patients soient propriétaires des renseignements personnels sur la santé contenus dans leur dossier, c’est le dépositaire qui en est le gardien et qui détermine les accès autorisés.1, 2

Le contexte de la pratique détermine qui est le dépositaire des dossiers. Dans une pratique individuelle, il s’agit normalement du médecin; dans un centre hospitalier ou un autre établissement de santé, c’est l’organisation qui a cette responsabilité. Dans une clinique ou une pratique de groupe, c’est la structure de la pratique qui détermine qui sera le dépositaire; p. ex. les patients pourraient relever de la clinique et non du médecin. Dans ces circonstances, c’est le propriétaire de la clinique qui sera souvent le dépositaire des dossiers. Toutefois, un médecin qui exerce au sein d’un groupe partageant des locaux et du personnel peut avoir sa propre liste de patients et être ainsi le dépositaire de ces dossiers.

L’importance de l’accès

En tant que médecin, il importe que vous puissiez continuer d’avoir accès aux dossiers des patients. Si vous faites l’objet d’une plainte auprès du Collège, d’une plainte intrahospitalière, ou d’une action en justice, vous devez avoir rapidement et facilement accès aux dossiers dans lesquels sont consignés les soins que vous avez prodigués ou auxquels vous avez contribué.

Selon les dispositions prises pour assurer la continuité des soins aux patients après votre départ, vous pourriez, si vous n’avez pas facilement accès aux dossiers, avoir de la difficulté à répondre aux attentes définies dans les politiques ou les normes du Collège en ce qui a trait au suivi des soins aux patients, et à la conservation, la sécurité et la destruction appropriées des dossiers.

Qu’arrive-t-il si un médecin quitte une pratique et qu’il n’est pas le dépositaire des dossiers?

Si vous quittez une pratique dans laquelle vous n’êtes pas le dépositaire des dossiers et que vous n’avez pas déjà conclu d’entente pour accéder aux dossiers auxquels vous avez contribué, certains dépositaires pourraient refuser de vous remettre les dossiers, des copies, ou l’accès à ceux-ci. Vous devrez peut-être présenter une demande officielle au dépositaire, ce qui risque de retarder ou d’entraver l’accès aux renseignements requis.

Les dépositaires pourraient ne pas être au courant de vos obligations. Vous pourriez ne pas souhaiter leur faire part des raisons pour lesquelles vous devez accéder aux dossiers (p. ex. si vous faites l’objet d’une plainte ou d’une action en justice). De même, il n’est pas toujours possible, efficace ou rapide d’avoir accès aux dossiers si vous devez obtenir le consentement du patient ou s’il vous les faut en raison d’une plainte au Collège ou d’une action en justice.

Comment s’assurer de conserver l’accès aux dossiers?

Le meilleur moment pour aborder la question de l’accès futur aux dossiers médicaux des patients est lorsque vous vous joignez à une pratique, même s’il peut alors être difficile d’évoquer le sujet. Cette mesure vous permettra de minimiser les risques de problèmes d’accès si vous quittez éventuellement la pratique.

Confirmez par écrit si les patients que vous traiterez seront considérés comme les vôtres ou ceux de la clinique. La réponse déterminera généralement qui sera le dépositaire des dossiers.

Si vous n’êtes pas le dépositaire, assurez-vous de conclure une entente stipulant qu’à votre départ de la pratique ou de la clinique, vous aurez droit à un accès raisonnable aux parties des dossiers médicaux portant sur les soins que vous avez prodigués.

Demandez également si vous pourrez transférer les dossiers des patients dans votre prochain lieu de pratique. La clinique pourrait vous fournir les dossiers en fichier PDF, en version papier ou sous un autre format électronique. Il est peu probable qu’elle vous transfère un fichier électronique que vous pourrez intégrer dans votre nouveau système de dossiers électroniques ou utiliser pour continuer à consigner les soins aux patients. S’il s’agit d’une copie papier ou d’un fichier PDF, vous devrez peut-être retranscrire les données qu’il contient dans votre système de dossier électronique, ce qui prend du temps.

L’entente devrait aussi stipuler que les patients seront informés à l’avance d’un départ prévu, et préciser qui assumera la responsabilité des soins après votre départ, en plus d’identifier la personne qui sera responsable du suivi avec le patient, et de la conservation, de la sécurité et de la destruction des dossiers.

En cas de changement de propriétaire ou d’associés de la clinique, il vous faut revoir le contrat ou l’entente.

Vous devriez consulter votre avocat en droit commercial, la fédération professionnelle ou l’association médicale professionnelle de votre province ou territoire pour lui demander d’examiner tout contrat avant que vous ne le signiez. Comme les questions concernant l’aspect commercial de la médecine ne relèvent pas du mandat de l’ACPM, l’Association n’est pas en mesure d’aider ses membres en ce qui a trait à l’examen de ces contrats.

Si vous travaillez actuellement dans une ou plusieurs pratiques de groupe et que vous n’avez pas d’entente concernant la garde ou l’accès aux dossiers, vous devriez demander à en conclure une ou à obtenir des précisions pour conserver l’accès aux dossiers après votre départ.

N’oubliez pas qu’une fois que vous n’êtes plus le médecin traitant d’un patient, vous ne devez accéder qu’aux parties du dossier qui concernent les soins que vous avez prodigués ou auxquels vous avez participé. Selon les lois de la province ou du territoire où vous travaillez, la consultation des parties du dossier ne traitant pas des soins que vous avez prodigués peut être perçue comme une atteinte à la vie privée et entraîner une plainte auprès du Collège.

En bref

  • Si vous exercez dans une clinique où vous n’êtes pas le dépositaire des dossiers des patients et que vous quittez cette clinique, vous ne pourrez pas conserver les dossiers originaux des patients que vous avez traités. En outre, vous pourriez avoir de la difficulté à accéder à ces dossiers en cas de problème médico-légal.
  • Lorsque vous vous joignez à une pratique, précisez que vous serez le dépositaire des dossiers médicaux, ou que vous aimeriez conclure une entente avec le dépositaire pour obtenir un accès continu ou durable aux parties des dossiers médicaux liées aux soins que vous avez prodigués ou auxquels vous avez participé.
  • Si vous concluez une entente par écrit pour obtenir l’accès continu aux dossiers, celle-ci devrait notamment prévoir les mesures suivantes :
    • identifier le dépositaire des dossiers médicaux
    • préciser que si vous partez ou déménagez, vous continuerez à avoir un accès raisonnable aux parties pertinentes des dossiers
    • identifier la personne ou l’entité qui assumera la responsabilité du suivi des soins aux patients et de la conservation, de la sécurité et de la destruction des dossiers.

Références

  1. McInerney c MacDonald, [1992] 2 RCS 138
  2. L’Association canadienne de protection médicale [En ligne]. Guide sur les dossiers électroniques Ottawa(CA); ACPM; 2014 [cité le 1er décembre 2019].

AVIS DE NON-RESPONSABILITÉ : Les renseignements publiés dans le présent document sont destinés uniquement à des fins éducatives. Ils ne constituent pas des conseils professionnels spécifiques de nature médicale ou juridique et n’ont pas pour objet d’établir une « norme de diligence » à l’intention des professionnels des soins de santé canadiens. L’emploi des ressources éducatives de l’ACPM est sujet à ce qui précède et à la totalité du Contrat d’utilisation de l’ACPM.