■ Obligations et responsabilités :

Les attentes vis-à-vis des médecins

Enregistrements sur téléphone intelligent par les patients : soyez prêts

Quand des patients enregistrent leurs consultations médicales, comment gère-t-on la protection de la vie privée?

Une femme consultant son téléphone dans la salle d’attente d’une clinique

8 minutes

Publié : mars 2017 /
Révisé : avril 2022

Les renseignements présentés dans cet article étaient exacts au moment de la publication

Les appareils mobiles sont aujourd’hui intégrés à notre quotidien; il n’est donc pas surprenant que certains patients souhaitent enregistrer une partie ou la totalité de leurs entretiens cliniques sur leur téléphone intelligent.

Ces enregistrements audio ou vidéo peuvent être profitables pour les patients en les amenant à mieux comprendre leur état de santé et à renforcer leur sentiment d’engagement, voire à mieux adhérer à leur plan de soins. Cependant, l’enregistrement d’une consultation médicale peut aussi soulever des préoccupations liées au respect de la vie privée des autres patients et du personnel, notamment; l’effet potentiel sur la relation médecin-patient et l’intégration de l’enregistrement au dossier médical sont aussi des enjeux à considérer.

Un certain degré de préparation s’avère nécessaire pour que les médecins puissent exploiter les avantages possibles des enregistrements et en contrer les problèmes éventuels. Ils doivent chercher à bien comprendre leurs obligations en matière de protection des renseignements personnels, ainsi qu’envisager l’adoption d’une politique sur les enregistrements dans leurs locaux.

Protection des renseignements personnels dans les espaces communs

Les patients qui enregistrent dans les espaces communs du cabinet de leur médecin, comme les salles d’attente, pourraient vraisemblablement enregistrer les conversations d’autres personnes ne participant pas à leurs soins. Ils pourraient ce faisant capter des renseignements permettant d’identifier d’autres patients ou membres du personnel, un geste pouvant conduire à des allégations d’atteinte à la vie privée à l’endroit du ou de la médecin.

De telles allégations se fonderaient sur les obligations déontologiques et légales qu’ont les médecins de protéger les renseignements personnels sur la santé de leurs patients conformément à la législation sur la protection des renseignements personnels. Les médecins ont également l’obligation de protéger les renseignements personnels de leurs effectifs. Règle générale, les renseignements personnels identificatoires ne peuvent être recueillis, utilisés ni communiqués sans le consentement de la personne concernée, sauf lorsque la loi le permet ou l’exige.

L’ACPM a pris connaissance de dossiers où une vidéo réalisée par un patient dans le cabinet de son médecin, sans le consentement de ce dernier, a été publiée dans des sites web publics et dans les médias sociaux.

Effets sur la relation médecin-patient

Les patients peuvent avoir des raisons valables de vouloir enregistrer un entretien clinique dans un endroit privé, tel qu’une salle d’examen : ils peuvent vouloir garder un compte rendu précis des conseils reçus ou transmettre de l’information aux membres de leur famille, par exemple.

Cela dit, le fait d’enregistrer un entretien clinique sans le consentement du ou de la médecin pourrait être interprété comme un manque de confiance dans la relation médecin-patient. De plus, les malentendus au sujet des enregistrements peuvent mener à des plaintes auprès des organismes de réglementation (Collèges).

Effets sur le dossier médical

Dans chaque province et territoire, la loi exige que les médecins et les établissements de santé conservent un dossier médical pour chaque patient. Un enregistrement réalisé dans le contexte de la prestation de soins est susceptible d’être considéré comme faisant partie du dossier clinique. L’enregistrement d’un entretien clinique peut aussi s’avérer précieux pour les médecins, puisqu’il s’agit probablement du compte rendu le plus précis et fiable de la rencontre; ce n’est cependant pas un substitut à la consignation de notes au dossier.

Options des médecins

Les médecins devraient se préparer à la possibilité de voir leurs patients enregistrer leurs entretiens; il y a lieu d’envisager l’adoption d’une politique sur l’utilisation des téléphones intelligents et autres appareils d’enregistrement dans leur milieu de travail.

Toute politique mise en œuvre devrait établir une distinction entre ce qui est permis dans les espaces communs et ce qui l’est dans les endroits privés. Puisque les enregistrements réalisés par des patients dans les espaces communs d’un cabinet médical pourraient donner lieu à des allégations d’atteinte à la vie privée, les médecins devraient envisager la mise en œuvre d’une politique interdisant aux patients de prendre des photos et de réaliser des enregistrements vidéo et audio dans les espaces communs, comme la salle d’attente, où se trouvent d’autres patients et des membres du personnel.

Au minimum, les médecins devraient chercher à déterminer s’il est nécessaire d’empêcher les patients de prendre des photos et de réaliser des enregistrements vidéo et audio dans la salle d’attente ou d’autres espaces communs, pour assurer la protection de la vie privée des patients et du personnel. Il est également important d’informer les patients de la politique en vigueur; celle-ci pourra par exemple être affichée dans la salle d’attente et les salles d’examen.

Les médecins pourraient également vouloir agir de façon préventive en encourageant les patients qui souhaitent enregistrer leur entretien clinique dans un endroit privé à en discuter avec eux au préalable. L’enregistrement d’un entretien clinique au moyen d’un téléphone intelligent pourrait être utilisé dans une procédure médico-légale (dans le cadre d’une action en justice ou d’une plainte au Collège). L’idéal serait donc que médecins et patients s’entendent d’abord sur la pertinence même de procéder à un enregistrement, pour ensuite convenir de la façon dont il sera réalisé (le cas échéant) et des mesures nécessaires pour assurer la protection des renseignements personnels de tout tiers. La tenue d’une telle discussion à l’avance pourrait parfois être impossible, comme lorsque quelqu’un procède à un enregistrement dans une situation d’urgence. Dans de tels cas, les médecins devraient s’assurer d’aborder avec le patient ou la patiente, à un moment ultérieur adéquat, les enjeux susmentionnés.

Lorsqu’on vous demande la permission d’enregistrer un entretien...

  1. Demandez quels sont les motifs de l’enregistrement et ce que le patient ou la patiente espère en tirer.
  2. Cherchez à déterminer s’il existe des solutions de rechange plus avantageuses (y compris limiter l’enregistrement de l’entretien à la partie la plus pertinente) et discutez-en avec le patient ou la patiente.
  3. Acceptez ou refusez la demande. En cas de refus, expliquez les motifs de votre décision et proposez de poursuivre l’entretien malgré tout. Si le patient ou la patiente persiste à vouloir enregistrer la consultation, il vous revient de décider si vous voulez ou non mettre un terme à la rencontre.
  4. Si un enregistrement est réalisé, faites-en mention dans le dossier médical et assurez-vous, si possible, qu’une copie de cet enregistrement accompagne les notes cliniques.

Les médecins doivent indiquer dans le dossier médical qu’un enregistrement a été réalisé; ils doivent aussi faire mention de certains autres détails pertinents (p. ex. durée de l’enregistrement, sujets abordés, etc.). Il convient de verser l’enregistrement au dossier médical ou d’indiquer dans celui-ci où l’enregistrement peut être consulté (p. ex. dans un dossier sur le serveur sécurisé du bureau). Les médecins doivent demander aux patients de leur remettre une copie de l’enregistrement. Dans les situations où l’obtention d’une copie fiable de la part d’un patient ou d’une patiente soulève des préoccupations, les médecins pourraient offrir d’enregistrer l’entretien pour ensuite en remettre une copie au patient ou à la patiente; ils pourraient aussi réaliser simultanément leur propre enregistrement. Les médecins qui enregistrent eux-mêmes leurs entretiens avec les patients devraient au préalable obtenir le consentement éclairé des patients en question.

Lorsque des patients mettent indûment en ligne un enregistrement réalisé dans un cabinet médical, diverses options existent pour tenter de retirer l’enregistrement de la circulation, selon la nature de son contenu et le site web en cause. La plupart des sites de médias sociaux offrent des outils de signalement permettant de demander un tel retrait. Les membres sont encouragés à communiquer avec l’ACPM pour discuter de leurs options face à des circonstances particulières.

Note sur l’enregistrement d’entretiens cliniques sur téléphone intelligent par les médecins

Les patients peuvent enregistrer leurs consultations médicales sans le consentement de leur médecin, mais l’inverse n’est pas vrai. Les médecins qui veulent enregistrer un entretien clinique doivent d’abord obtenir le consentement éclairé du patient ou de la patiente, et ce consentement doit être consigné au dossier médical. Certains Collèges peuvent, à cette fin, exiger l’utilisation d’un formulaire de consentement distinct.

En bref

L’enregistrement des entretiens cliniques peut être profitable pour les patients. Cela dit, il y a tout lieu d’avoir une discussion franche sur la nécessité de procéder à un enregistrement : on évitera ainsi de nuire à la confidentialité des renseignements liés aux autres patients et aux membres du personnel ainsi qu’à la relation de confiance médecin-patient. Lorsque les médecins estiment que la situation se prête à un enregistrement, il y a tout lieu de verser une copie de celui-ci au dossier médical.

Compte tenu des percées technologiques qui facilitent de plus en plus la réalisation d’enregistrements dans le domaine de la santé, il est d’autant plus essentiel pour les médecins d’acquérir de solides compétences en communication. Dans le Guide des bonnes pratiques de l’ACPM, les médecins trouveront des renseignements pour améliorer la façon dont ils communiquent avec leurs patients.


AVIS DE NON-RESPONSABILITÉ : Les renseignements publiés dans le présent document sont destinés uniquement à des fins éducatives. Ils ne constituent pas des conseils professionnels spécifiques de nature médicale ou juridique et n’ont pas pour objet d’établir une « norme de diligence » à l’intention des professionnels des soins de santé canadiens. L’emploi des ressources éducatives de l’ACPM est sujet à ce qui précède et à la totalité du Contrat d’utilisation de l’ACPM.