Dans un monde idéal, on n’aurait jamais de différend avec qui que ce soit, ni avec nos collègues ni avec personne d’autre. Mais la réalité est telle que la mésentente est parfois inévitable. Aussi déstabilisants soient-ils, en particulier dans le feu de l’action, les conflits peuvent jouer un rôle de catalyseur en nous amenant à mieux comprendre d’autres points de vue et à évoluer professionnellement. C’est particulièrement vrai quand les conflits sont bien gérés et qu’ils se terminent sur une bonne note.
Quand un conflit survient-il?
Un conflit peut naître à la suite d’un changement de priorités, ou lorsque des attentes bien intentionnées sont mal communiquées; il peut aussi résulter d’une divergence de perceptions par rapport à une question importante. 1 En soins de santé, des ressources limitées et le lien d’interdépendance entre professionnel·les de la santé peuvent aussi causer des tensions.
Les répercussions des conflits sur la sécurité des soins
Les prestataires de soins qui travaillent dans un environnement propice aux conflits ont en général du mal à communiquer efficacement. Cette lacune peut nuire au rendement et, par le fait même, entraîner des résultats cliniques défavorables, notamment :
- des ruptures dans la continuité des soins;
- des retards dans l’établissement d’un diagnostic;
- des tests inutiles;
- des complications iatrogènes;
- de la frustration chez le personnel soignant comme chez les personnes soignées;
- le recours à des raccourcis hasardeux.
Voilà autant de facteurs qui peuvent entraîner une hausse des risques médico-légaux chez les prestataires de soins.
La gestion des conflits
Savoir bien gérer les conflits est une compétence fondamentale pour les médecins. Un article des bonnes pratiques de l’ACPM traite des différents styles de gestion des conflits tels qu’ils ont été définis par des spécialistes de la question; plusieurs sujets présentés ici y sont en outre abordés plus en détail.
La résolution des conflits passe par une communication efficace
Communiquer efficacement, c’est un art qui s’acquiert avec des efforts et de la pratique. Cultivez un environnement de travail sécuritaire sur les plans psychologique et culturel, un espace où chaque personne se sent libre de s’exprimer sans crainte. Vous préviendrez ainsi le recours à des raccourcis hasardeux dans votre équipe et renforcerez, par le fait même, la sécurité des soins.
N’hésitez pas à mettre en pratique les techniques suivantes dans votre travail.
Pratiquez l’écoute active. « Comment réussir à me faire comprendre? » Bien souvent, c’est la première question qui nous vient en tête quand on vit un conflit. Or, il est préférable et plus constructif de se demander plutôt : « Comment arriver à bien comprendre le point de vue de l’autre? »2 L’écoute active, qui nécessite entre autres de tenir compte des idées et des émotions d’autrui, est une compétence importante en communication. Prêtez une oreille attentive aux propos de l’autre personne en la laissant livrer le fond de sa pensée. Utilisez les silences à bon escient et résistez à la tentation d’interrompre votre vis-à-vis ou de réfuter immédiatement ses propos. Témoignez de votre écoute active en hochant la tête, par exemple, et n’hésitez pas à demander des précisions pour que la personne sente que vous êtes réellement à l’écoute.
Utilisez des affirmations désarmantes. Quand on communique avec des collègues, il est important de se rappeler que la manière dont on dit les choses est tout aussi importante que les choses qu’on dit. Lorsque quelqu’un fait une affirmation avec laquelle vous n’êtes pas d’accord, évitez d’exprimer votre point de vue de manière frontale. Pour ne pas exacerber la mésentente, employez un vocabulaire non conflictuel et non accusateur. Des phrases qui débutent par « J’ai l’impression que… » peuvent avoir un effet très positif sur une discussion. Vous pouvez également faire une « affirmation désarmante » avant de donner votre opinion, telle que : 3
- « C’est intéressant – il semble que nous n’ayons pas le même point de vue. Ça va si je vous explique mon raisonnement? »
- « Mes observations sont différentes des vôtres, probablement parce que mes expériences ont été différentes elles aussi. »
- « Vos idées à ce sujet sont importantes pour moi, et je comprends que vous hésitiez à aborder cette question autrement. Peut-être pourrions-nous voir comment appliquer cette nouvelle approche? »
Trouvez un terrain d’entente. Bien que les personnes divisées par un conflit puissent ne pas avoir la même vision des choses ou ne pas aspirer aux mêmes résultats, il n’en demeure pas moins qu’avec une bonne communication, elles devraient pouvoir se trouver des intérêts communs (la sécurité des soins, par exemple). Les médecins ont avantage à se concentrer sur ces intérêts mutuels plutôt que sur la position de l’autre partie, en particulier si des patient·es sont concerné·es. En focalisant sur les problèmes plutôt que sur les personnalités, on évitera les attaques personnelles qui peuvent aggraver la situation. Quand on a trouvé un terrain d’entente, on a le sentiment que notre point de vue a été considéré et on devient donc plus enclin à régler le différend en trouvant une solution équitable.
Mettez des gants blancs. Se mettre en colère, blâmer l’autre personne ou porter des accusations sont des méthodes généralement peu efficaces pour apaiser les frictions. On devrait à tout prix éviter de tenir des propos désobligeants ou d’agir avec condescendance. De même, on doit se garder de commenter devant d’autres gens (y compris des patient·es) les soins prodigués par des collègues, et on ne doit pas non plus consigner ce type de commentaires dans un dossier médical. Bien souvent, un seul commentaire malavisé suffit pour générer de l’insatisfaction chez un·e patient·e ou sa famille ou pour les inciter à porter plainte.
Connaissez vos limites. Pour éviter que les conflits ne dégénèrent, on peut aussi inviter les parties prenantes à observer un « temps mort » et à convenir qu’il y a des désaccords sur lesquels il faudrait revenir plus tard. Lorsque la conversation a finalement lieu, elle doit idéalement se dérouler dans un endroit retiré propice à une franche discussion. Il pourrait aussi être utile de demander à une personne neutre d’assurer la médiation du conflit. Enfin, il est souhaitable de résumer les messages clés formulés au fil de la discussion, en particulier si des barrières linguistiques ou des styles de communication contrastés nuisent aux échanges.
Situations à risque élevé
Dans les situations à risque élevé – lors d’une crise dans le milieu clinique ou dans des circonstances particulièrement éprouvantes –, les médecins doivent miser d’abord et avant tout sur une communication claire. Il leur sera également utile d’appliquer certaines techniques de communication pour soumettre leurs préoccupations au niveau de pouvoir approprié, selon la gravité de la situation clinique. 4 Il peut en effet s’avérer judicieux de confier le cas à une instance supérieure (direction du département, des services cliniques ou des services professionnels). En outre, une formation sur la résolution des conflits peut grandement aider à parfaire les compétences des médecins à ce chapitre.
Suggestions de lecture
Références
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Marshall P, Robson R. Résolution des conflits [Internet]. Ottawa (ON): Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada; c2021
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Covey S. The seven habits of highly effective people. New York (NY): Simon and Schuster, Inc; 2004. 247 p.
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Kaufmann M. The Five Fundamentals of Civility for Physicians. Ontario Medical Review. 2014 Mar;81(3):13
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Les compétences liées à la sécurité des patients – L’amélioration de la sécurité des patients dans les professions de la santé, 2e éd. Edmonton (AB): Institut canadien pour la sécurité des patients; c2020