Risques médico-légaux : ce que les médecins de famille qui prodiguent des soins obstétricaux doivent savoir

Sachez quels sont vos risques – Données par spécialité clinique

Médecin examinant l’abdomen d’une femme enceinte

8 minutes

Publié : juin 2025

À la fin de 2024, l’ACPM comptait parmi ses membres 2 901 médecins de famille prodiguant, entre autres, des soins obstétricaux (code de travail 78).

Le graphique ci-dessous présente une comparaison des tendances observées sur une période de 10 ans dans les dossiers médico-légaux ciblant ces médecins de famille et l’ensemble des membres de l’ACPM. Les dossiers comptent tous les cas d’actions civiles ou de plaintes aux Collèges ciblant des membres et ne se limitent pas au domaine de l’obstétrique.

Quels sont les risques relatifs d’un problème médico-légal pour les médecins de famille qui prodiguent des soins obstétricaux?

  •  Médecins de famille (code 78), plaintes aux Collèges (n = 1 802)
  •  Médecins de famille (code 78), actions civiles (n = 473)
  • Ensemble des membres de l’ACPM, plaintes au Collège (n = 49 331)
  •   Ensemble des membres de l’ACPM, actions civiles (n = 13 582)

Entre 2015 et 2024, les taux de plaintes au Collège1 (p < 0,0001) étaient significativement plus élevés chez les médecins de famille prodiguant des soins obstétricaux que chez l’ensemble des membres de l’ACPM.

Par rapport aux autres médecins de famille prodiguant des soins obstétricaux, quel est le risque de vous faire citer dans des dossiers médico-légaux?

Pourcentage de médecins de famille prodiguant des soins obstétricaux, fréquence des dossiers sur 5 ans


Fréquence des dossiers médico-légaux, sur 5 ans (%)
Aucun dossier 77,5
1 dossier 17,5
2 dossiers ou plus (2020 - 2024) 5,0

Pourcentage de médecins de famille prodiguant des soins obstétricaux, fréquence des dossiers sur 1 an


Fréquence des dossiers médico-légaux, sur 1 an (%)
Aucun dossier 92,8
1 dossier 6,4
2 dossiers ou plus 0,8

Sur une période de 5 ans (2020 à 2024)2, 23 % des médecins de famille prodiguant des soins obstétricaux ont vu leur nom cité dans au moins 1 dossier médico-légal; durant cette même période, 5 % des médecins de famille prodiguant des soins obstétricaux ont vu leur nom cité dans au moins 2 dossiers.

En moyenne, 7 % des médecins de famille prodiguant des soins obstétricaux ont vu leur nom cité dans au moins 1 dossier par année; 1 % ont vu leur nom cité dans, en moyenne, au moins 2 dossiers par année.

Entre 2020 et 2024, 151 dossiers médico-légaux ciblant des médecins de famille prodiguant des soins obstétricaux, y compris des cas d’actions civiles, de plaintes aux Collèges et de plaintes intrahospitalières, ont été conclus par l’ACPM. Dans nombre de ces dossiers, des médecins d’autres spécialités, y compris l’obstétrique et l’anesthésiologie, étaient également ciblé·es.

Comme les soins obstétricaux exigent souvent la collaboration de plusieurs professionnel·les de la santé, les sections suivantes présentent les observations issues d’une analyse de 639 dossiers médico-légaux conclus par l’ACPM entre 2020 et 2024 et ciblant tout·e médecin ayant prodigué des soins obstétricaux.

Quelles sont les plaintes le plus souvent émises par les patient·es et les critiques le plus couramment formulées par l’expertise médicale?3 (n = 639)

Issue Plaintes de patient·es (%) Critiques formulées par l’expertise médicale (%)
Évaluation déficiente 45 22
Omission de réaliser un test ou une intervention 45 28
Erreur de diagnostic 36 30
Problèmes de communication médecin-patient·e/famille 26 11
Processus de consentement inadéquat 25 9
Comportement non professionnel 22 8
Surveillance ou suivi inadéquats 18 9
Processus décisionnel inadéquat en matière de prise en charge 17 8
Connaissances ou compétences insuffisantes 16 16
Défaut d’orienter la personne vers un·e collègue 11 7

Les plaintes reflètent le fait que, du point de vue des personnes traitées, un problème est survenu au cours de la prestation des soins. Ces plaintes ne sont pas toujours appuyées par l’opinion de l’expertise médicale. Il arrive que l’expertise n’ait pas de critiques à formuler quant aux soins prodigués, ou que ses critiques ne soient pas en lien avec les allégations des personnes soignées.

Quelles sont les interventions faisant le plus souvent l’objet de critiques par l’expertise médicale? (n = 639)

Césarienne (161), Surveillance de la fréquence cardiaque fœtale durant le travail (115), Accélération du travail (102), Accouchement vaginal opératoire avec forceps ou ventouse (97), Déclenchement du travail (71)

  •   Césarienne (161)
  •   Surveillance de la fréquence cardiaque fœtale durant le travail (115)
  •   Accélération du travail (102)
  •   Accouchement vaginal opératoire avec forceps ou ventouse (97)
  •   Déclenchement du travail (71)

La fréquence des interventions recensées dans les dossiers médico-légaux est, selon toute probabilité, représentative de ce qu’on observe dans la pratique des médecins; toutefois, elle ne reflète pas nécessairement les interventions à risque élevé. Outre l’exécution des interventions susmentionnées, les interventions tardives (p. ex. une césarienne) ou inadéquates (p. ex. une accélération du travail malgré une fréquence cardiaque fœtale anormale, l’application de forceps à la partie haute) ont également fait l’objet de critiques par l’expertise médicale.

Une erreur de diagnostic a été relevée dans 193 dossiers. La présente ressource est conçue pour les médecins de famille qui prodiguent des soins obstétricaux. Des exemples de critiques formulées par l’expertise médicale sont présentés ci-dessous pour mettre en évidence les problèmes et les circonstances qui ont contribué aux erreurs de diagnostic commises par les médecins de famille.

  • Retard ou manquement dans l’exécution d’une intervention
    • Un médecin de famille n’a pas pris les mesures qui sont indiquées, en présence d’un tracé anormal prolongé de la fréquence cardiaque fœtale, pour vérifier le bien-être du fœtus (p. ex. installation d’une électrode au cuir chevelu).
    • Une médecin n’a pas demandé les profils biophysiques d’usage pour un fœtus présentant un retard de croissance connu.
    • Une patiente dont le fœtus présentait des anomalies chromosomiques a subi une interruption de grossesse tardive après qu’un médecin de famille ait omis de demander un dépistage par le sérum maternel.
    • Une médecin de famille n’a pas réalisé de dosage de la fibronectine fœtale chez une patiente dont le travail était prématuré.
  • Communication inadéquate avec les autres professionnel·les de la santé
    • Un nourrisson a subi une lésion du plexus brachial après qu’un médecin n’ait pas demandé d’aide en obstétrique pour la prise en charge d’une dystocie de l’épaule.
    • Un nourrisson est décédé après qu’une médecin de famille ait omis de consulter un·e obstétricien·ne en vue d’une césarienne nécessaire en raison d’une tachysystolie utérine et de décélérations tardives répétitives de la fréquence cardiaque fœtale.
    • Un médecin de famille fait l’objet de critiques par l’expertise médicale parce qu’il a tenté un accouchement vaginal assisté sans prévoir la possibilité de devoir recourir à une césarienne d’urgence et qu’il n’a pas consulté l’obstétricienne avant de le faire.
    • Une mauvaise communication entre une infirmière et un médecin au sujet de préoccupations concernant la fréquence cardiaque fœtale a retardé l’accouchement, causant ainsi des lésions neurologiques à l’enfant.
  • Mauvaise interprétation des résultats d’un test
    • Un nourrisson est décédé après qu’une médecin de famille n’ait pas considéré comme anormales des décélérations variables et ayant une large amplitude de la fréquence cardiaque fœtale.
    • Un nourrisson a subi une lésion neurologique à la naissance parce qu’un médecin de famille n’a pas respecté les lignes directrices pour la prise en charge d’une anomalie de la fréquence cardiaque fœtale, qui a persisté.
  • Évaluation clinique déficiente
    • Un médecin de famille n’a pas évalué une patiente pour déceler une disproportion céphalo-pelvienne; une césarienne d’urgence s’est avérée nécessaire en raison de l’épuisement de la mère et d’un tracé anormal de la fréquence cardiaque fœtale.
    • Une médecin de famille n’a pas effectué les évaluations prénatales d’usage chez une patiente ayant des antécédents de fausse couche.
    • Un médecin de famille n’a pas diagnostiqué une tachysystolie utérine chez une patiente recevant de l’ocytocine.
    • Une médecin de famille a fait l’objet de critiques par l’expertise médicale parce qu’elle a omis de réaliser une échographie avant d’effectuer un examen vaginal chez une patiente présentant des saignements au deuxième trimestre.
  • Tenue de dossiers inadéquate
    • Un médecin de famille a fait l’objet de critiques par l’expertise médicale parce qu’il a omis de consigner au dossier d’une patiente toute l’information concernant le travail et le suivi postpartum.
    • Une médecin de famille n’a pas consigné au dossier la hauteur utérine mesurée pendant les consultations prénatales.

Quels sont les principaux facteurs associés à un préjudice grave4 dans les dossiers médico-légaux? (n = 639)

Facteurs liés aux patient·es5

  • Score ASA de 3 ou plus6
  • Âge de la mère > 35 ans
  • Grossesse multiple
  • Prééclampsie, éclampsie et syndrome HELLP
  • Infection chez la mère (p. ex. sepsis, infection dans la plaie de la césarienne)
  • Saignement anormal et hémorragie (p. ex. décollement placentaire, hémorragie du post-partum immédiat)
  • Rupture utérine

Facteurs liés aux médecins7

  • Évaluation déficiente
  • Défaut d’orienter la personne vers un·e spécialiste (p. ex. une patiente présentant des facteurs de risque n’est pas orientée vers un·e obstétricien·ne)
  • Omission d’hospitaliser (p. ex. après avoir observé une anomalie de la fréquence cardiaque fœtale)
  • Omission de consulter les dossiers médicaux (p. ex. profil biophysique, tracés de fréquence cardiaque fœtale)
  • Problèmes relatifs à la surveillance fœtale en période intrapartum
    • Mauvaise interprétation de la fréquence cardiaque fœtale
    • Omission d’amorcer la surveillance fœtale durant le travail
  • Dérogation aux lignes directrices de pratique clinique (p. ex. directives de la SOGC pour la surveillance du bien-être fœtal et le déclenchement artificiel du travail)

Facteurs liés à l’équipe7

  • Mauvaise communication au sein de l’équipe en ce qui concerne une fréquence cardiaque fœtale anormale

Aide-mémoire pour réduire les risques

D’après les commentaires émis par l’expertise médicale, il y a lieu de gérer les risques liés à la prestation des soins obstétricaux comme suit :

Période antepartum

    • Pendant la période antepartum, discuter avec les patientes des options qui s’offrent à elles en ce qui concerne le travail et l’accouchement, et envisager la possibilité d’événements imprévus pouvant exiger une intervention imminente ou d’urgence.

Envisager d’orienter rapidement les patientes à risque élevé vers un·e obstétricien·ne ou un·e spécialiste en médecine materno-fœtale.

Période intrapartum

  • Exprimer clairement toute préoccupation persistante en ce qui concerne la fréquence cardiaque fœtale et toute inquiétude clinique aux membres de l’équipe concernée (p. ex. équipe de la salle d’opération) et souligner la nécessité pour les membres de cette équipe d’être présent·es au bon moment ou de procéder à l’accouchement dans les délais appropriés.
  • Insister sur la nécessité, pour l’ensemble des obstétricien·nes, de suivre des formations régulières sur la surveillance fœtale et la conscience situationnelle. Se doter de politiques claires en matière d’interprétation et de prise en charge des tracés de fréquence cardiaque fœtale atypiques ou anormaux.
  • Intégrer les cheminements cliniques, les guides de pratique clinique ou les outils d’aide à la décision, le cas échéant.
  • Déterminer si un plan de secours est nécessaire avant de tenter un accouchement vaginal assisté.
  • Surveiller les changements dans l’état des patient·es quand des médicaments de niveau d’alerte élevé, comme l’ocytocine, sont administrés.
  • Envisager d’avoir recours à un modèle normalisé dans les cas où il est important de respecter certains délais (p. ex. dystocie de l’épaule, accouchements vaginaux assistés).

Période postpartum

  • Penser aux complications postpartum possibles lorsqu’une patiente consulte de façon répétée pour les mêmes symptômes ou que ses symptômes s’aggravent. Réévaluer les diagnostics provisoires et refaire l’examen physique. Envisager de consulter un·e collègue, s’il y a lieu.
  • Après une urgence obstétricale, discuter avec la patiente et sa famille des circonstances et de l’issue clinique de l’événement. Consulter le guide de l’ACPM intitulé Divulgation d’un préjudice résultant de la prestation des soins, ou communiquer avec l’ACPM pour obtenir des conseils personnalisés sur la divulgation.
  • Après un accouchement d’urgence ou un incident lié à la sécurité des patient·es, discuter avec les membres de l’équipe pour évaluer l’efficacité des communications; consigner au dossier toute l’information concernant les soins prodigués.

Limites

Les nombres qui figurent dans ce rapport sont tirés des données médico-légales de l’ACPM. Les dossiers médico-légaux de l’ACPM ne représentent qu’une petite proportion des incidents liés à la sécurité des patient·es. De nombreux facteurs peuvent inciter une personne à intenter une poursuite ou à déposer une plainte, et ces facteurs varient grandement en fonction du contexte. Les dossiers médico-légaux peuvent donc être une précieuse source d’information sur des sujets importants, mais on ne peut les considérer comme représentatifs de l’ensemble des incidents liés à la sécurité des patient·es.

Maintenant que vous connaissez les risques liés à votre travail…

Limitez les risques médico-légaux grâce aux ressources de l’ACPM.

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Notes

    1. Les médecins n’ont pas l’obligation de signaler les plaintes au Collège à l’ACPM, et ne le font que sur une base volontaire. Par conséquent, il n’est pas possible de brosser un portrait complet de ce type de dossiers au Canada.
    2. En moyenne, un dossier médico-légal est ouvert deux à trois ans après un incident lié à la sécurité des patient·es. Ainsi, il est possible qu’un nouveau dossier médico-légal concerne un incident survenu il y a quelques années.
    3. Par expertise médicale, on entend les médecins experts et expertes qui interprètent les problèmes cliniques, scientifiques ou techniques liés aux soins prodigués et qui émettent une opinion à leur égard. Ces médecins ont habituellement une formation et une expérience semblables à celles de leurs collègues ayant prodigué les soins à évaluer.
    4. Comprend les préjudices à la naissance et ceux subis par la mère. Selon le glossaire du service de recherche de l’ACPM, un préjudice grave pour les patient·es est défini comme symptomatique, dictant une intervention nécessaire à la survie ou une intervention médicale ou chirurgicale majeure, entraînant une diminution de l’espérance de vie, ou causant, de façon permanente ou temporaire, une perte fonctionnelle ou un préjudice majeurs.
    5. Les facteurs liés aux patientes et patients regroupent toutes les caractéristiques ou les affections médicales présentes au moment de la consultation médicale, ou tout événement survenant durant la consultation.
    6. La classification de l’état physique de l’American Society of Anesthesiologists (ASA) est utilisée par les médecins pour prévoir les risques auxquels les patient·es sont exposé·es avant une intervention chirurgicale. Un score ASA de 3 indique une maladie systémique grave.
    7. D’après l’opinion de l’expertise médicale. Comprend les facteurs liés aux personnes exerçant une profession médicale, à l’équipe et au système. En ce qui a trait aux dossiers d’obstétrique, aucun facteur lié au système ne paraissait se dégager des données.