■ Sécurité des soins :

Amélioration de la sécurité des patients et réduction des risques

Ressources limitées en soins de santé : un équilibre précaire

Une jeune médecin affichant un air accablé

6 minutes

Publié : décembre 2018 /
Révisé : octobre 2022

Les renseignements présentés dans cet article étaient exacts au moment de la publication

La gestion de l’accès des patients à des ressources de soins de santé limitées est une réalité à laquelle les médecins canadiens sont confrontés depuis toujours. En plus de prolonger les listes d’attente, l’urgence de santé publique causée par la pandémie de COVID-19 a aggravé les retards et la pénurie de main-d’œuvre qui sévissaient déjà au sein du système de santé. Aussi, les médecins s’inquiètent des préjudices que pourraient subir les patients à la suite des retards dans l’établissement d’un diagnostic ou du traitement d’une maladie causés par le manque de ressources, mais également des actions civiles ou des plaintes auprès de leur organisme de réglementation de la médecine (Collège) dont ils pourraient faire l’objet.

Ce qu’ont dit les tribunaux

Les quelques instances portant sur ces problèmes indiquent que les tribunaux sont disposés à tenir compte des ressources disponibles pour les médecins lorsqu’ils cherchent à déterminer si la norme de pratique a été respectée. Les tribunaux ont établi que l’évaluation des soins prodigués par les médecins n’était pas fondée sur une norme de perfection, mais bien sur la norme de pratique que leurs collègues auraient raisonnablement observée dans des circonstances semblables.

Néanmoins, on s’attend à ce que les médecins déploient tous les efforts possibles pour leurs patients, en fonction des limites affectant les ressources, et qu’ils agissent raisonnablement dans de telles circonstances. Aussi, ceux-ci devraient verser au dossier de leurs patients tous les efforts déployés pour obtenir les ressources nécessaires (p. ex. les demandes de consultation).

Restriction des coûts ou pénurie de ressources : une distinction importante

Bien que les médecins aient l’obligation d’utiliser les ressources de santé avec prudence, les tribunaux ont confirmé que l’utilisation d’investigations appropriées ne doit pas être restreinte par les coûts mis en cause. La situation est tout autre lorsque les médecins ne peuvent pas prodiguer un traitement par manque de ressources. Les médecins doivent d’abord considérer l’intérêt de leurs patients au moment de choisir des tests et des traitements, puis utiliser judicieusement les ressources dont ils disposent et s’abstenir de les surutiliser aux seules fins de prévenir de possibles problèmes médico-légaux.

La campagne Choisir avec soin1 offre des recommandations et des ressources pour favoriser les conversations au sujet des examens et des traitements inutiles qui constituent une perte de temps et de ressources. Plus récemment, les responsables de la campagne Choisir avec soin et de l’Agence des médicaments et des technologies au Canada ont réuni un groupe de médecins, de représentants de patients et de spécialistes des politiques de santé pour revoir les quelque 400 recommandations de Choisir avec soins et dresser la liste des 19 recommandations les plus importantes pour appuyer le processus décisionnel et assurer l’efficience des soins après la pandémie de COVID-19.2 Les recommandations de cette campagne pourraient ne pas s’appliquer à toutes les situations; ainsi, les médecins pourraient choisir de se reporter aux guides de pratique clinique pertinents pour éclairer leurs décisions et les soins à prodiguer dans des circonstances particulières.

Obligations déontologiques et professionnelles

Les obligations déontologiques et professionnelles des médecins envers leurs patients constituent un autre facteur à prendre en considération au moment d’aborder les difficultés qu’occasionne la pénurie de ressources. Dans le Code d’éthique et de professionnalisme de l’AMC, on demande aux médecins de « tenir compte d’abord et avant tout du bien-être des patients », mais également d’appuyer la « promotion de l’intendance des ressources ».3 Pour sa part, le Code de déontologie des médecins du Québec dicte à son tour aux médecins d’« utiliser judicieusement les ressources consacrées aux soins de santé », tout en soulignant que « le médecin a le devoir primordial de protéger et de promouvoir la santé et le bien-être des individus qu’il sert... ».4 La conciliation de ces obligations parallèles peut parfois être difficile et elle représente une source continue de frustration pour les médecins.

Étant donné l’importante pénurie de main-d’œuvre en santé, il est possible que les hôpitaux demandent aux médecins d’assumer des responsabilités supplémentaires ou, dans certains cas, d’effectuer des tâches qui ne sont pas de leur ressort. Avant de le faire, les médecins doivent toutefois s’assurer de disposer des aptitudes nécessaires. On s’attend à ce que les hôpitaux et les autorités en matière de santé offrent toute formation nécessaire aux médecins pour qu’ils puissent assumer ces responsabilités additionnelles.

Quant aux hôpitaux, ils ont leur propre devoir de diligence envers les patients. Par exemple, ils doivent veiller à ce que des systèmes soient en place pour coordonner le personnel, les installations, l’équipement et les dossiers afin que les patients reçoivent des soins raisonnables.

Promotion de la santé

Il est également crucial que les partenaires du secteur de la santé traitent de ces questions de façon à ce que l’on puisse atténuer les effets des pénuries de ressources et mieux s’y préparer. À cet égard, les médecins ont un rôle à jouer dans la promotion de la santé et représentent une voix importante en présence d’une pénurie de ressources. Ils doivent être au fait des politiques et des lignes directrices de leur établissement et du Collège quant à leur rôle de promoteur de la santé, et présenter leurs recommandations de façon professionnelle.

Les médecins qui exercent dans des établissements de santé peuvent faire face à des obstacles additionnels au moment de défendre les intérêts des patients ou de préconiser des changements systémiques. Par exemple, ils peuvent devoir diriger leurs recommandations de modification vers des comités, ou des chefs de service ou de département.

En bref

  • Lorsque des médecins décident d’utiliser une ressource disponible, bien que limitée, en soins de santé, ils doivent se fonder sur un solide jugement médical et tenir compte de l’intérêt de leurs patients.
  • Les tribunaux n’évaluent pas les décisions des médecins par rapport à une norme de perfection. Ces décisions sont plutôt évaluées à la lumière de la conduite que des médecins raisonnables présentant une formation et une expérience similaires auraient eue dans des circonstances semblables.
  • Les médecins doivent indiquer dans le dossier de leurs patients les mesures qu’ils ont prises pour résoudre les problèmes de ressources, et ils doivent informer les patients des difficultés attribuables à une pénurie de ressources. S’il existe des solutions de rechange, les patients doivent également en être avisés.

Références

  1. Choisir avec soin Canada [En ligne]. Toronto (CA): University of Toronto, Canadian Medical Association, St. Michael’s Hospital [cité le 29 juillet 2022]. Disponible : https://choosingwiselycanada.org
  2. Basharat S, Born K. Using Health Care Resources Wisely After the COVID-19 Pandemic: Recommendations to Reduce Low-Value Care [En ligne; cité le 29 juillet 2022]. Disponible : https://canjhealthtechnol.ca/index.php/cjht/article/view/hc0017/123
  3. Association médicale canadienne [En ligne]. AMC; 2018. Code d’éthique et de professionnalisme de l’AMC [cité en juillet 2022]. Disponible : https://policybase.cma.ca/viewer?file=%2Fmedia%2FPolicyPDF%2FPD19-03F.pdf#page=1
  4. Code de déontologie des médecins, RLRQ c M-9, r 17

AVIS DE NON-RESPONSABILITÉ : Les renseignements publiés dans le présent document sont destinés uniquement à des fins éducatives. Ils ne constituent pas des conseils professionnels spécifiques de nature médicale ou juridique et n’ont pas pour objet d’établir une « norme de diligence » à l’intention des professionnels des soins de santé canadiens. L’emploi des ressources éducatives de l’ACPM est sujet à ce qui précède et à la totalité du Contrat d’utilisation de l’ACPM.