■ Sécurité des soins :

Amélioration de la sécurité des patients et réduction des risques

Que faire lorsque les patients ne suivent pas les conseils du médecin? Gérer la non-adhésion

8 minutes

Publié : décembre 2013 /
Révisé : novembre 2021

Les renseignements présentés dans cet article étaient exacts au moment de la publication

Les médecins travaillent en partenariat avec les patients pour leur prodiguer les soins les plus sécuritaires et de la plus grande qualité possible. Mais que se passe-t-il lorsqu’un patient ne suit pas les conseils de son médecin? Gérer la non-adhésion, c’est-à-dire lorsqu’un patient n’adhère pas aux conseils du plan d’investigation ou de traitement que le médecin a établi dans l’intérêt du patient, peut constituer un véritable défi.

Non-adhésion aux exigences de la santé publique pendant la pandémie de COVID-19

Dans un certain nombre de provinces et de territoires, les lois sur la santé publique comptent des obligations en matière de signalement lorsqu’une personne présentant une maladie transmissible (telle la COVID-19) ne respecte pas les recommandations du médecin. Les patients ayant obtenu des résultats positifs au dépistage et refusant de s’isoler pourraient être considérés comme des patients ne respectant pas les recommandations du médecin. Nous encourageons les médecins à se familiariser avec les obligations en matière de signalement propres à leur province ou territoire.

Les médecins ont parfois l’obligation déontologique de signaler à l’agence de la santé publique compétente les patients qui contreviennent aux exigences de santé publique (p. ex. refus de s’isoler) ou encore les patients non vaccinés qui utilisent un passeport vaccinal faux ou falsifié et qui exposent ainsi autrui à un risque d’infection à la COVID-19. Cependant, les médecins n’ont pas l’obligation générale de signaler à la police les patients qui sont soupçonnés d’avoir commis un crime, notamment une fraude relative au passeport vaccinal. Les médecins doivent généralement éviter de transmettre à la police de l’information concernant leurs patients, sauf si ceux-ci y ont consenti, si c’est exigé par la loi (p. ex. en vertu d’un mandat) ou pour éliminer un risque de préjudice.

Cette non-adhésion peut être intentionnelle ou non. « La non-adhésion intentionnelle est la prise de la décision du patient de ne pas suivre un traitement ou des recommandations, alors que la non-adhésion involontaire résulte possiblement d’un oubli, du fait de ne pas savoir exactement comment utiliser les médicaments, ou d’un autre comportement imprévu. »1 [Traduction libre] Il peut aussi s’agir de rendez-vous manqués, du non-respect des demandes de consultation, d’examens non subis, d’ordonnances non remplies ou de l’arrêt des médicaments. Souvent, le patient n’en informe pas son médecin.

Plusieurs raisons permettent d’expliquer la non-adhésion aux conseils du médecin. Le changement peut être difficile pour les patients en raison de leurs autres obligations, ou de leur manque d’engagement, d’intérêt ou de compréhension. Pour certains, les traitements sont inabordables compte tenu de leur situation socioéconomique ou de conditions de vie difficiles. Les questions de langue, de culture, et d’alphabétisation entrent aussi parfois en jeu. En général, le taux de non-adhésion peut atteindre 40 %.2

Il importe que les médecins consignent au dossier le plan de traitement et la discussion entourant le consentement. Le dossier médical devrait démontrer que le patient a été informé des avantages d’adhérer aux conseils, ainsi que des risques de ne pas y adhérer, et qu’il a bien compris l’information reçue. Dans une plainte auprès d’un organisme de réglementation de la médecine (Collège) ou d’une action en justice mettant en cause la non-adhésion d’un patient, un dossier bien tenu permettra au médecin de prouver que le patient a été informé de l’approche recommandée. 

Exemple de cas : Non-adhésion à des demandes de consultation

Une patiente, ayant récemment passé une épreuve d’effort dont les résultats se sont révélés négatifs, se présente à l’urgence en raison d’une douleur thoracique rétrosternale apparue après un repas copieux bien arrosé.

L’électrocardiographie révèle des altérations non spécifiques et le résultat d’un seul dosage des enzymes cardiaques est négatif. Un diagnostic d’œsophagite peptique est posé et la patiente reçoit son congé.

Le lendemain, la patiente revoit son médecin de famille. Elle dit avoir une douleur rétrosternale intermittente lorsqu’elle mange. Le médecin pose un diagnostic de reflux gastro-œsophagien; il recommande aussi une consultation urgente chez un cardiologue et un gastroentérologue, mais la patiente refuse. Il ne consigne pas au dossier la discussion, ni les raisons du refus de la patiente.

Quelque temps plus tard, la patiente décède à la suite d’un infarctus du myocarde. L’autopsie confirme la cause du décès et met en évidence une occlusion à 95 % de l’artère interventriculaire antérieure.

Les experts ont critiqué le fait que le médecin de famille n’avait consigné ni ses conseils ni sa demande de consultation auprès d’un cardiologue. Il n’avait pas non plus inscrit le refus de la patiente. L’instance a été réglée en faveur de la patiente, en partie parce que le médecin n’a pas pu prouver que cette dernière avait été informée des risques et qu’elle comprenait les conséquences possibles du refus de l’investigation.


Soins centrés sur le patient

Favoriser des soins centrés sur le patient signifie qu’il faut être aussi ouvert que possible lorsqu’un patient conteste le plan de traitement proposé.

Lorsque les patients semblent hésitants ou sceptiques à l’égard de vos conseils, découvrez leurs raisons – quelles sont leurs préoccupations ou leurs craintes? Vous serez ainsi plus à même de déterminer si le refus d’un patient est bien éclairé ou non, ce qui pourrait mener à une discussion plus franche sur les avantages probables et les risques du traitement proposé. Songez à compléter vos conseils avec du matériel éducatif multimodal adapté au niveau d’alphabétisation du patient. Le recours à des outils de prise de décision partagée peut servir à mieux centrer les soins sur le patient.

Suivi des soins

Chaque patient réagira différemment au plan de traitement recommandé (p. ex. changements de style de vie, examens diagnostiques ou médicaments) et le suivi du patient est essentiel pour l’encourager à adhérer à son plan. Lors des rendez-vous de suivi, songez à revoir le plan de traitement, les progrès du patient et tout obstacle à l’adhésion que le patient pourrait rencontrer. Si le plan prévoit l’abandon du tabac, par exemple, demandez au patient s’il a réussi à atteindre son objectif et s’il a besoin d’aide ou de ressources supplémentaires.

Se doter d’un système fiable de suivi des examens de laboratoire, d’imagerie diagnostique et des consultations peut permettre de déterminer si un patient n’adhère pas à son traitement, ce qui vous donne alors la possibilité de communiquer avec lui et de réévaluer votre approche thérapeutique. Lisez l’article de l’ACPM « Pour un suivi efficace en pratique clinique » pour en savoir plus sur les systèmes de suivi qui permettent de déterminer si un patient a subi ou non un examen recommandé.

Prescription et surveillance des médicaments

La non-adhésion peut s’expliquer par le prix inabordable de certains médicaments prescrits; une étude a révélé que le prix est un facteur déterminant chez près d’un Canadien sur 10.3 Si cela pose un problème chez un patient, envisagez de proposer des solutions de rechange moins coûteuses, mais efficaces – notamment l’accès à des médicaments génériques plutôt que d’origine.

L’accès à la prescription électronique et les normes concernant son usage varient dans l’ensemble du pays. De façon générale, la transmission électronique des ordonnances à une pharmacie encourage les patients à adhérer à leur traitement; ils doivent ainsi toujours se procurer leurs médicaments auprès de la même pharmacie, ce qui peut leur faire gagner du temps. En effet, une étude menée auprès de patients en dermatologie a permis de constater une baisse de 47 % de la non-adhésion lorsque l’ordonnance était électronique plutôt que papier.1 La prescription électronique pourrait également susciter une meilleure discussion entre le patient et le médecin sur l’adhésion au traitement,4 ainsi qu’entre le patient et le pharmacien sur les options pharmacologiques abordables. Les médecins peuvent aussi encourager les patients à discuter de ces points avec leur pharmacien. Bien que les systèmes de gestion de l’exercice de la pharmacie permettent de savoir si les patients vont chercher leurs médicaments à la pharmacie, les mécanismes qui supportent la transmission de cette information au prescripteur ne sont pas nécessairement disponibles partout; ainsi, certains médecins pourraient ne pas être en mesure de remarquer que des médicaments prescrits n’ont pas été délivrés à leurs patients, ce qui les empêcheraient donc de faire un suivi auprès de ceux-ci.1

La non-adhésion survient parfois aussi lorsque les patients changent d’avis quant à un médicament prescrit après avoir pris connaissance des renseignements fournis par la pharmacie. Il serait sûrement avantageux pour les médecins de savoir quels renseignements sont remis aux patients pour leur permettre de répondre d’emblée à leurs questions ou préoccupations.

En bref

Songez à recourir aux stratégies suivantes pour encourager vos patients à adhérer à vos recommandations.

  • Ayez une discussion franche et claire avec vos patients sur l’importance du plan de traitement ou des changements de style de vie, et sur la meilleure façon de mettre en œuvre la démarche recommandée. Explorez les craintes ou les préoccupations des patients qui pourraient constituer un obstacle au plan de traitement
  • Servez-vous de divers moyens de communication pour mieux faire comprendre les enjeux à vos patients et favoriser des soins centrés sur le patient.
  • Utilisez des systèmes qui vous aideraient à identifier les patients qui manquent souvent leurs rendez-vous ou qui les annulent, ou qui ne donnent pas suite aux examens diagnostiques ni aux recommandations.
  • Consignez dans le dossier la discussion ayant mené au consentement, ainsi que les refus et la non-adhésion.

Références

  1. Gheorghiu B, Nayani S. Medication adherence monitoring: implications for patients and providers. Healthcare Management Forum [En ligne]. 2018 May [cité en janvier 2019]; 31(3): 108-11. Disponible: https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0840470418767966

  2. Martin LR, Williams SL, Haskard KB, et al. The challenge of patient adherence. Ther Clin Risk Manag [En ligne]. 2005 Sep [cité en janvier 2019]; 1(3):189-99. Disponible: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1661624

  3. Law MR, Cheng L, Dhalla IA, et al. The effect of cost on adherence to prescription medications in Canada. CMAJ. 2012 Feb;184(3):297-302. doi:10.1503/cmaj.111270.

  4. Lanham A, Cochran GL KD. Electronic Prescriptions: Opportunities and Challenges for the Patient and Pharmacist. Adv Heal Care Technol. 2006;2:1-11. doi: https://doi.org/10.2147/AHCT.S64477


AVIS DE NON-RESPONSABILITÉ : Les renseignements publiés dans le présent document sont destinés uniquement à des fins éducatives. Ils ne constituent pas des conseils professionnels spécifiques de nature médicale ou juridique et n’ont pas pour objet d’établir une « norme de diligence » à l’intention des professionnels des soins de santé canadiens. L’emploi des ressources éducatives de l’ACPM est sujet à ce qui précède et à la totalité du Contrat d’utilisation de l’ACPM.