■ Sécurité des soins :

Amélioration de la sécurité des patients et réduction des risques

Cliniques sans rendez-vous : Qualité des soins et risques médico-légaux

8 minutes

Publié : septembre 2019

Les renseignements présentés dans cet article étaient exacts au moment de la publication

Les cliniques sans rendez-vous offrent, souvent le jour même, un accès rapide aux patients qui ont des problèmes ponctuels, sans que l’on s’attende nécessairement à ce qu’ils fassent partie de la clientèle du médecin consulté.1 Les soins qui y sont prodigués peuvent être recherchés par les patients qui ont des horaires de travail chargés, qui présentent une affection aiguë ou qui n’ont pas de médecin de famille. Ces cliniques sont souvent appréciées des patients pour leur côté pratique; toutefois, elles peuvent présenter des défis et des risques pour les médecins. Il est difficile, par exemple, d’y assurer la continuité des soins, ce qui est préoccupant étant donné que la qualité des soins peut en être affectée.

Les organismes provinciaux et territoriaux de réglementation de la médecine (Collèges) précisent que les patients qui fréquentent les cliniques sans rendez-vous sont en droit de recevoir des soins qui respectent les mêmes normes professionnelles que celles s’appliquant dans n’importe quel autre contexte.2 Dans la pratique, cependant, ce qui caractérise le travail en clinique sans rendez-vous (p. ex. le fait de voir des patients occasionnellement et en grand nombre sur de courtes périodes) peut exacerber les problèmes.

L’ACPM reconnaît les défis médico-légaux particuliers qui se posent pour les médecins travaillant dans les cliniques sans rendez-vous; c’est pourquoi elle a analysé ses dossiers médico-légaux, conclus entre 2014 et 2018, d’actions au civil, de plaintes auprès des Collèges et de problèmes intrahospitaliers impliquant ce genre de cliniques. Cette analyse a révélé des problèmes associés à la sécurité des patients, tels qu’une communication déficiente au sein de l’équipe, une mauvaise gestion des résultats d’investigations et l’absence d’examen des tâches déléguées.

Communication au sein de l’équipe de soins

Il peut être difficile pour les médecins des cliniques sans rendez-vous d’assurer une communication claire entre les membres de l’équipe, surtout lorsque les patients nécessitent des soins continus ou un suivi.

Exemple de cas : Un médecin demeure injoignable après avoir prescrit un médicament potentiellement contre-indiqué

Une dame âgée ayant une toux persistante se présente dans une clinique sans rendez-vous. La patiente est apyrétique, mais l’auscultation du thorax révèle des râles crépitants bilatéraux. Après avoir passé en revue la liste des médicaments de la patiente, le médecin prescrit de l’azithromycine, puisqu’il soupçonne une pneumonie, ainsi qu’une radiographie des poumons pour confirmer le diagnostic. Dès que le pharmacien reçoit l’ordonnance, il s’inquiète que le traitement puisse être contre-indiqué en raison du médicament antiarythmique que prend la patiente; il tente donc de joindre le médecin prescripteur. Cependant, le médecin, qui travaille à temps partiel à la clinique, ne peut être joint au téléphone. Le pharmacien ne délivre pas l’antibiotique et avise la patiente de faire le suivi auprès de son médecin de famille. Plusieurs jours plus tard, le médecin de la clinique sans rendez-vous informe la patiente qu’elle a une pneumonie. Par la suite, la patiente voit son médecin de famille qui lui prescrit un antibiotique approprié. La patiente dépose une plainte auprès du Collège alléguant que le médecin de la clinique sans rendez-vous lui a prescrit un médicament contre-indiqué.

Qu’a dit le Collège?

Le comité du Collège reconnaît qu’à la suite de la plainte, le médecin a volontairement pris des mesures en vue d’être plus disponible pour les autres membres de l’équipe de santé. Le comité s’est dit préoccupé par le fait que le médecin, qui avait prescrit le médicament contre-indiqué pouvant poser un risque important pour la patiente, n’était pas joignable pour corriger la situation. Il a conseillé au médecin de se tenir davantage à la disposition des autres membres de l’équipe de santé.

Stratégies d’atténuation des risques

  • Informer le personnel de la clinique de la personne à aviser des appels téléphoniques provenant de patients ou de professionnels de la santé. Répondre en temps opportun lorsque quelqu’un communique avec vous.
  • Consigner dans le dossier médical la rencontre avec un patient, fournir la justification du plan de traitement et faciliter la continuité des soins.
  • Préconiser des politiques et des procédures qui garantissent qu’il y aura quelqu’un pour répondre aux questions d’autres professionnels de la santé, en temps opportun, lorsque le médecin traitant ne peut être joint ou qu’il ne travaille plus à la clinique.

Gestion des examens diagnostiques

Les procédés entourant la demande, la revue et le suivi des examens diagnostiques peuvent ne pas être clairs pour les médecins, puisque les politiques et les procédures varient d’une clinique sans rendez-vous à l’autre. Le médecin est responsable de s’assurer que les procédés pour les demandes d’examens diagnostiques sont suivis même s’il travaille à temps partiel ou à contrat dans ce genre d’établissement.

Exemple de cas : Le mauvais examen diagnostique est demandé

Une dame âgée se présente à une clinique sans rendez-vous après avoir fait une chute dans les escaliers et s’être frappé la tête. Elle se plaint de maux de tête et de perte de mémoire. La médecin de la clinique sans rendez-vous demande à son assistante de remplir la requête et de prendre un rendez-vous pour une tomodensitométrie urgente de la tête. Quand la patiente arrive à l’hôpital, elle découvre que le personnel de la clinique s’est trompé et a demandé un rendez-vous pour une mammographie. La patiente se plaint au Collège de l’erreur de rendez-vous et de l’inconvénient de devoir consulter de nouveau. La clinique sans rendez-vous détermine que la mammographie visait une autre patiente et que le nom de la dame âgée et ses renseignements ont été saisis par erreur.

Qu’a dit le Collège?

La médecin affirme que l’erreur était attribuable à une méprise de la part du personnel de la réception et non à une faute qu’elle aurait commise. Elle soutient que ce sont les propriétaires de la clinique qui sont responsables du personnel et que son rôle n’est pas de superviser les employés. Cependant, le Collège n’est pas de cet avis et détermine que la médecin de la clinique sans rendez-vous est ultimement responsable de la conduite du personnel de la clinique, même si elle n’y travaillait qu’à titre d’entrepreneure indépendante. Il lui a conseillé de s’assurer que des processus fiables sont mis en œuvre pour que les examens appropriés soient demandés.

Stratégies d’atténuation des risques

  • Préconiser l’établissement de protocoles adéquats et évaluer leur efficacité pour la demande d’investigations, leur gestion et leur suivi.
  • Bien que ce ne soit pas exigé, songer à remplir vous-même les requêtes, quand cela est possible, pour réduire le risque d’erreurs.
  • Prendre en compte les risques médico-légaux associés à la délégation de tâches au personnel administratif. Veuillez noter qu’au Québec, seuls les actes autorisés en vertu des lois qui encadrent les professionnels de la santé peuvent être accomplis par ces derniers, conformément aux exigences précisées, s’il y a lieu. Par conséquent, les médecins ne peuvent demander à d’autres membres d’une profession de la santé d’accomplir un acte réservé que si ces derniers sont autorisés à le faire en vertu des lois régissant l’exercice de leur profession.

Examen du travail délégué

Les cliniques sans rendez-vous facilitent les visites le même jour; toutefois, elles peuvent parfois présenter des défis en ce qui a trait à la qualité des soins (p. ex. lorsque le médecin n’a jamais vu le patient auparavant et que ce dernier présente plusieurs maladies concomitantes). Ces cliniques peuvent aussi augmenter l’efficience en déléguant des tâches à d’autres membres du personnel, comme demander à l’infirmière ou à l’assistant médical d’obtenir l’anamnèse du patient. Cependant, un médecin qui ne revoit pas l’anamnèse risque de fonder son jugement sur des renseignements incomplets.

Exemple de cas : Un médecin n’examine pas une masse au sein

Une jeune femme se présente à une clinique sans rendez-vous en raison de palpitations qui ont augmenté en sévérité et en fréquence. Lors de l’entrevue initiale, elle explique à l’infirmière qu’elle se sent aussi fatiguée, qu’elle a de la difficulté à respirer et qu’elle a noté la présence d’une masse fluctuante au sein droit. Plus tard, la femme décrit les mêmes symptômes au médecin, à l’exception de la masse. Le médecin ne lit pas les notes de l’infirmière qui avait consigné la présence de celle-ci. Comme la patiente s’apprête à partir, elle demande l’avis du médecin au sujet de la masse. Le médecin n’examine pas la patiente, mais lui dit qu’il s’agit probablement d’un kyste. Il lui conseille de revenir à la clinique si celui-ci change de taille ou devient douloureux. Plusieurs mois plus tard, on diagnostique un cancer du sein de stade II et la patiente subit une mastectomie partielle, de la chimiothérapie et de la radiothérapie.

Qu’a dit le Collège?

Le Collège a critiqué le médecin pour ne pas avoir examiné le sein de la patiente. Il a aussi fait remarquer que le médecin voyait trop de patients par quart de travail. Le Collège a exigé qu’il signe une entente limitant le nombre de patients vus par quart de travail et qu’il suive un cours sur la lecture des notes et la tenue des dossiers.

Stratégies d’atténuation des risques

  • Revoir tous les éléments clés du dossier médical du patient, par exemple, les notes du personnel infirmier, les signes vitaux, les notes antérieures, les résultats d’examens et les rapports de consultation avant de poser un diagnostic.
  • Fournir au patient des instructions claires préalables au congé. Ces renseignements devraient lui permettre de comprendre le diagnostic et de reconnaître les signes et symptômes pouvant indiquer que la maladie évolue ou qu’il pourrait s’agir d’un autre diagnostic. Ces instructions devraient aussi refléter l’importance du suivi et préciser la personne à joindre pour effectuer celui-ci.
  • Inciter les patients à revenir à la clinique sans rendez-vous ou à faire le suivi auprès de leur médecin de famille, s’ils en ont un, pour tout problème n’ayant pas été adéquatement abordé lors de la visite.

En bref

Les cliniques sans rendez-vous permettent aux patients de recevoir des soins ponctuels sans être obligés d’établir une relation à long terme. Elles sont utiles pour les patients qui veulent un rendez-vous le jour même en fonction d’horaires flexibles. Cependant, ce contexte particulier peut soulever des défis inattendus pour les médecins qui tentent de prodiguer à leurs patients les soins médicaux les plus sécuritaires possible.

Envisagez les démarches suivantes pour réduire les risques médico-légaux associés aux soins prodigués en clinique sans rendez-vous :

  • Revoir les éléments clés du dossier médical du patient avant d’établir un diagnostic.
  • Soutenir la continuité des soins, entre autres, en consignant des notes dans le dossier médical de chaque patient concernant leur visite.
  • Connaître les processus établis à la clinique pour le suivi d’un patient, les suivre et les communiquer au personnel. Si les processus ne sont pas robustes, informez-en la direction.

 


 

Références

  1. Chen CE, Chen CT, Hu J, et al. Comparaison des centres de soins sans rendez-vous (walk-in clinics) versus les cabinets des médecins et les services d’urgence pour des soins urgents et la prise en charge des maladies chroniques. Cochrane Database of Syst Rev. Février 2017 17;2: CD011774. doi: 10.1002/14651858.CD011774.pub2.
  2. College of Physicians and Surgeons of Ontario [En ligne]. Professional Standard on the Standard of Care for Walk-in Clinics. [Mis à jour le 22 mai 2015; cité le 17 mai 2019]. Disponible: https://cpsns.ns.ca/wp-content/uploads/2017/10/Standard-of-Care-for-Walk-in-Clinics.pdf

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