Risques médico-légaux : chirurgie orthopédique

Sachez quels sont vos risques – Données par spécialité clinique

Médecin procédant à l’examen médical du genou d’un patient

8 minutes

Publié : Mai 2024

À la fin de 2022, l’ACPM comptait 1 525 spécialistes en chirurgie orthopédique parmi ses membres (code de travail 94). Le graphique ci-dessous présente une comparaison des tendances observées sur une période de 10 ans dans les dossiers médico-légaux ciblant les spécialistes en chirurgie orthopédique et l’ensemble des autres spécialités chirurgicales.

Quels sont les risques relatifs d’un problème médico-légal en chirurgie orthopédique?

  •  Chirurgie orthopédique, plaintes au Collège (n = 1 258)
  •  Chirurgie orthopédique, actions en justice (n = 935)
  • Toutes les spécialités chirurgicales, plaintes aux Collèges (n = 7 198)
  •   Toutes les spécialités chirurgicales, actions en justice (n = 4 405)

Entre 2013 et 2022, on a observé un taux de plaintes aux Collèges1 considérablement plus élevé chez les spécialistes en chirurgie orthopédique (p = 0,0001) que pour l’ensemble des spécialistes en chirurgie.

Même si, depuis 2018, le taux d’actions civiles en chirurgie orthopédique était comparable à celui observé pour l’ensemble des spécialités chirurgicales, globalement, ce taux était nettement plus élevé chez les spécialistes en chirurgie orthopédique sur 10 ans (p < 0,0001).

Par rapport aux autres spécialistes en chirurgie orthopédique, quel est le risque de vous faire citer dans des dossiers médico-légaux?


Fréquence des dossiers médico-légaux, sur 5 ans (%)
Aucun dossier 53.8
1 dossier 27
2 à 4 dossiers 17.5
5 dossiers ou plus 1.7

Fréquence des dossiers médico-légaux, sur 1 an (%)
Aucun dossier 84.6
1 dossier 13.2
2 dossiers ou plus 2.2

Sur une période récente de 5 ans (2018-2022)2, 27 % des spécialistes en chirurgie orthopédique ont eu leur nom cité dans un nouveau dossier médico-légal (action en justice ou plainte auprès d’un Collège ou d’un hôpital), 17,5 % dans deux à quatre nouveaux dossiers et 1,7 % dans au moins cinq dossiers.

Aussi, d’après la moyenne de chacune des années pour cette période, 13,2 % ont eu leur nom cité dans un nouveau dossier médico-légal et 2,2 %, dans au moins deux nouveaux dossiers médico-légaux.

Les sections suivantes présentent les résultats tirés de 760 dossiers d’actions en justice, de plaintes aux Collèges et de plaintes auprès d’hôpitaux conclus par l’ACPM entre 2018 et 2022 et dans lesquels des spécialistes de la chirurgie orthopédique ont fait l’objet d’opinions formulées par des experts et expertes.

Quelles sont les plaintes le plus souvent émises par les personnes soignées et les critiques le plus couramment formulées par l’expertise médicale?3 (n = 760)

Issue Plaintes par des patient·es (%) Critiques formulées par des expert·es (%)
Évaluation déficiente 45 13
Processus de consentement inadéquat 22 11
Erreur de diagnostic 20 13
Processus décisionnel inadéquat en matière de traitement 19 5
Surveillance ou suivi inadéquats 19 6
Comportement non professionnel 19 8
Manquement à faire un test ou une intervention 18 11
Préjudice associé à la prestation de soins de santé 17 9
Problèmes de communication médecin-patient·e 11 7
Connaissances ou compétences insuffisantes 11 5

Les plaintes sont fondées sur le fait que, du point de vue des personnes traitées, un problème est survenu au cours de la prestation des soins. Les plaintes ne sont pas toujours appuyées par l’opinion d’experts et d’expertes. Il arrive que ces médecins n’aient pas de critiques à formuler quant aux soins prodigués, ou que leurs critiques ne soient pas en lien avec les allégations des personnes soignées.

Quelles sont les interventions faisant le plus souvent l’objet de critiques de l’expertise médicale? (n = 760)

  •   Arthroplastie totale de la hanche (79)
  •   Arthroplastie totale du genou (75)
  •   Réduction ouverte avec fixation interne (ROFI) des os du membre inférieur (p. ex. cheville, tibia/fibula, fémur) (57)
  •   Fixation de vertèbres (23)
  •   Décompression du canal carpien (13)

La fréquence des interventions recensées dans les dossiers médico-légaux est, selon toute probabilité, représentative de ce qu’on observe dans la pratique des spécialistes en chirurgie orthopédique; toutefois, elle ne reflète pas nécessairement les interventions à risque élevé.

Critiques formulées par des experts et expertes

  • Processus de consentement inadéquat
  • Évaluation déficiente
  • Manquement à faire un test ou une intervention
  • Défaut d’orienter la personne vers une ou un collègue
  • Processus décisionnel inadéquat en matière de traitement
  • Tenue de dossiers inadéquate

Sur ces 795 dossiers, 100 personnes ont fait l’objet d’une erreur de diagnostic. Par exemple :

  • Pied tombant et douleur chronique à la suite du non-diagnostic d’un syndrome compartimental
  • Non-diagnostic d’un syndrome de douleur régionale complexe à la suite d’une lésion au nerf radial survenue pendant l’intervention
  • Mauvaise évaluation de la gravité d’une lésion à la coiffe des rotateurs

De plus, 26 personnes ont subi la mauvaise intervention. Par exemple :

  • Arthroplastie totale de la hanche au lieu d’une arthroplastie totale du genou en raison d’une barrière linguistique lors du processus de consentement
  • Intervention pratiquée sur le mauvais genou en raison du défaut de l’équipe chirurgicale de faire une pause avant de commencer l’intervention

Quels sont les principaux facteurs associés à un préjudice grave4 dans les dossiers médico-légaux? (n = 760)

Facteurs associés à un préjudice grave

Facteurs liés aux patient·es5

  • Score ASA de 4 ou plus6
  • Trouble concomitant aux maladies cardiaques

Facteurs liés aux médecins7

  • Évaluation déficiente (p. ex. défaut d’effectuer un examen neurologique chez une personne souffrant d’un engourdissement des jambes à la suite d’une intervention chirurgicale rachidienne)
  • Surveillance ou suivi inadéquats (p. ex. une chirurgienne se fie à l’interprétation de l’imagerie diagnostique par l’urgentologue au lieu d’examiner elle-même la personne, donnant lieu à un retard de l’intervention et à une absence de suivi après l’intervention en question, au moment de l’apparition des complications)
  • Mauvais positionnement de la personne traitée

Facteurs liés à l’équipe7

  • Problèmes de communication avec le personnel infirmier
  • Mauvaise coordination des soins
  • Instructions préalables au congé inadéquates

Aide-mémoire pour réduire les risques

Les spécialistes en chirurgie orthopédique peuvent gérer les risques comme suit :

Période préopératoire

  • S’assurer de connaître les comorbidités et les antécédents chirurgicaux de la personne que vous soignez. Veiller à consulter comme il se doit l’ensemble des prestataires de soins de la personne traitée (p. ex. demander l’avis d’une ou d’un spécialiste, au besoin).
  • Évaluer soigneusement s’il est indiqué d’effectuer une intervention, en particulier chez les personnes à risque élevé. Prévoir des dispositions pour les personnes ayant des particularités physiques.
  • Les discussions entourant le consentement à une intervention chirurgicale ou autre intervention devraient fournir de l’information complète sur les risques importants, les avantages, les solutions de rechange, les résultats escomptés et les complications possibles attribuables aux maladies préexistantes. Permettre aux patientes et patients (ainsi qu’aux membres de leur famille ou personnes proches aidantes) de poser des questions. Consigner rigoureusement la discussion dans le dossier médical.
  • Avant de fournir des renseignements médicaux, évaluer la capacité de compréhension de la personne; veiller à surmonter les barrières linguistiques, culturelles ou cognitives. Faire appel à des services d’interprétation médicale si nécessaire.

Période peropératoire

  • Adopter des protocoles normalisés (p. ex. liste de vérification pour une chirurgie sécuritaire) pour assurer la conscience situationnelle de l’équipe interdisciplinaire et améliorer les pratiques de vérification (p. ex. personne traitée, site, intervention et dénombrement).
  • Prendre en compte les risques de lésions peropératoires à chaque étape des soins chirurgicaux. Prendre les précautions requises pour protéger les structures vitales tels les nerfs et le système vasculaire, et consigner tout effort déployé pour visualiser ou protéger ces structures. Envisager l’utilisation d’écran d’ordinateur consacré à l’imagerie médicale.
  • • Envisager de modifier sa technique ou de consulter sans tarder une ou un collègue en cas de problème durant l’intervention chirurgicale.

Période postopératoire

  • Fournir, aux patientes et patients ou personnes proches aidantes, des instructions préalables au congé exhaustives, verbalement et par écrit, notamment en ce qui a trait aux consignes postopératoires, aux soins de la plaie, aux médicaments, aux soins de suivi, aux signes ou symptômes à surveiller, ainsi qu’aux situations qui nécessitent un avis médical. Expliquer clairement à quel moment il importe de consulter en cas de complications et vers qui se tourner. S’assurer que la patiente ou le patient a compris l’information fournie.
  • Divulguer sans délai à la personne traitée toute complication ou difficulté survenue au cours d’une intervention chirurgicale ou autre. Discuter avec la personne traitée des répercussions et des complications possibles après l’intervention chirurgicale ou autre, ainsi que des soins de suivi, en misant sur une communication ouverte. Consignez ces discussions dans le dossier médical.

Limites

Les nombres qui figurent dans ce rapport sont tirés des données médico-légales de l’ACPM. Les dossiers médico-légaux de l’ACPM ne représentent qu’une petite proportion des incidents liés à la sécurité des patientes et patients. De nombreux facteurs peuvent inciter une personne à intenter une poursuite ou à déposer une plainte, et ces facteurs varient grandement en fonction du contexte. Les dossiers médico-légaux peuvent donc être une précieuse source d’information sur des sujets importants, mais on ne peut les considérer comme représentatifs de l’ensemble des incidents liés à la sécurité des patientes et patients.

Maintenant que vous connaissez les risques liés à votre travail…

Limitez les risques médico-légaux grâce aux ressources de l’ACPM.

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Notes

  1. Les médecins n’ont pas l’obligation de signaler les plaintes au Collège à l’ACPM, et ne le font que sur une base volontaire. Par conséquent, il n’est pas possible de brosser un portrait complet de ce type de dossiers au Canada.
  2. En moyenne, un dossier médico-légal est ouvert deux à trois ans après un incident lié à la sécurité d’une ou d’un patient. Ainsi, il est possible qu’un nouveau dossier médico-légal concerne un incident survenu il y a quelques années.
  3. Par expertise médicale, on entend les médecins experts et expertes qui interprètent les problèmes cliniques, scientifiques ou techniques liés aux soins prodigués et qui émettent une opinion à leur égard. Ces médecins ont habituellement une formation et une expérience semblables à celles de leurs collègues ayant prodigué les soins à évaluer.
  4. Un préjudice grave est un préjudice qui cause la mort, une blessure invalidante ou une incapacité majeure. Un préjudice lié aux soins de santé peut être attribuable au risque inhérent d’une investigation, d’un médicament ou d’un traitement. II peut également découler d’une défaillance dans le processus de prestation des soins.
  5. Les facteurs liés aux patientes et patients regroupent toutes les caractéristiques ou les affections médicales présentes au moment de la consultation médicale, ou tout événement survenant durant la consultation.
  6. La classification de l’état physique de l’American Society of Anesthesiologists (ASA) est utilisée par les médecins pour prévoir les risques auxquels les patientes et patients sont exposés avant une intervention chirurgicale. Un score ASA de 4 indique une maladie systémique grave.
  7. D’après l’opinion d’expertes et d’experts. Comprend les facteurs liés aux prestataires de soins, à l’équipe et au système. En ce qui a trait aux dossiers de chirurgie orthopédique, aucun facteur lié à tout système ne paraissait se dégager des données.