■ Système de santé :

Conception de systèmes plus sécuritaires afin d’améliorer la prestation des soins cliniques

Les temps d’attente en contexte de pénurie de ressources

Un stéthoscope et un stylo posés sur un calendrier.
Publié : mai 2022
12 minutes

Introduction

De nombreux Canadiens ont de la difficulté à recevoir des soins médicaux sans délai. Bien souvent, les médecins de famille comme les spécialistes composent avec une lourde charge de travail et des ressources limitées. Ils peuvent être confrontés à un dilemme moral : refuser des patients pour maintenir et gérer un volume de travail et des temps d’attente raisonnables. Ces défis ont pris plus d’ampleur avec l’urgence de santé publique causée par la pandémie de COVID-19.

Les longs temps d’attente sont un important facteur de stress pour les médecins consultants et traitants. Le stress qu’ils subissent découle souvent du tiraillement éprouvé devant la situation suivante : toujours prioriser les besoins des patients pour respecter leur engagement professionnel, et composer au quotidien avec une pénurie de ressources sur laquelle ils n’ont aucune emprise.

Les tribunaux et les organismes de réglementation de la médecine (Collèges) reconnaissent que les médecins ne peuvent prodiguer de soins lorsque ceux-ci sont tributaires de ressources qui n’existent tout simplement pas. Un tribunal de l’Ontario a par exemple établi ce qui suit : « […] on ne peut raisonnablement s’attendre à ce qu’un médecin puisse fournir des soins qui ne sont pas disponibles ou qui sont à peu près impossibles à prodiguer en raison de la rareté des ressources. »1

Il n’y a pas de solution magique pour résoudre les dilemmes qui découlent du manque de ressources ni pour raccourcir les listes d’attente. On peut néanmoins prendre des mesures pour gérer les pénuries et, ce faisant, atténuer le risque de préjudices pour les patients et réduire au minimum les risques médico-légaux.

Tout ce processus doit se dérouler selon les principes directeurs suivants :

  • Agir dans l’intérêt du patient
  • Considérer qu’en contexte de pénurie de ressources, la société s’attend à ce que les médecins prodiguent des soins raisonnables, et pas nécessairement parfaits

Conseil en matière de bonnes pratiques

Le processus de demande de consultation et de consultation est un élément fondamental des soins axés sur le patient. Une bonne communication entre les patients et les médecins traitants et consultants est essentielle au bon fonctionnement de ce processus. Les médecins traitants comme les médecins consultants ont la responsabilité professionnelle et déontologique de faciliter la continuité des soins et de soutenir les patients dans cette démarche.

Certains problèmes de communication fréquents sont les suivants :

  • Demandes de consultation incomplètes
  • Situations où les médecins traitants et consultants ne font pas le suivi du classement d’un patient ou d’une patiente sur la liste d’attente en fonction de son état de santé, ce qui s’avère particulièrement problématique si des soins urgents sont requis
  • Situations où les médecins consultants ne communiquent pas avec les médecins traitants après une consultation et où les rôles et responsabilités sont mal définis entre médecins consultants et traitants

Si un problème médico-légal survient, il est fort probable que les soins prodigués par tous les médecins concernés seront examinés de plus près.

Médecins traitants

Les médecins traitants peuvent aider les patients à comprendre qu’une consultation auprès d’un tiers s’impose; ils devraient expliquer au patient ou à la patiente la raison de la demande de consultation et obtenir son assentiment. Pour faciliter les consultations et assurer le traitement des demandes par ordre de priorité, il est important que celles-ci soient claires et complètes.

La demande de consultation peut comprendre les renseignements suivants :

  • Nom de la personne, numéro d’assurance maladie, coordonnées à jour et mode de communication à privilégier (Remarque : Même si la communication par courriel avec le médecin traitant ou la médecin traitante a été autorisée par le patient ou la patiente, le consultant ou la consultante doit à son tour obtenir ce consentement si une communication électronique est prévue. Compte tenu des risques inhérents aux échanges par courriel, vaut mieux user de prudence et faire en sorte que chaque médecin obtienne l’autorisation du patient ou de la patiente en fonction des processus en place dans la clinique et des technologies qui y sont utilisées.)
  • Date de la demande de consultation
  • Raison de la demande de consultation et attentes par rapport à l’issue de la consultation (p. ex. diagnostic, suggestions de traitement, transfert de soins)
  • Degré d’urgence
  • Renseignements pertinents sur les plans clinique (p. ex. médicaments, allergies, antécédents médicaux, examen physique) et social (p. ex. barrières linguistiques, besoin d’accompagnement)
  • Copie ou résumé des analyses de laboratoire, des résultats d’imagerie et des autres rapports de consultants pertinents
  • Établir clairement qui assurera les soins à la patiente ou au patient pendant qu’il est sur la liste d’attente et/ou après sa consultation

Il est important que les patients comprennent bien quels signes et symptômes pourraient annoncer une complication ou une aggravation de leur état de santé; on doit aussi leur dire qui appeler si leur condition change alors qu’ils attendent d’être vus par le consultant ou la consultante. Ces renseignements devraient être consignés dans le dossier médical.

De nombreux Collèges ont publié des directives précises pour établir qui doit assurer le suivi des patients inscrits sur une liste d’attente. Certains Collèges ont des attentes bien définies à ce chapitre; ils peuvent par exemple exiger qu’un système de suivi de toute demande de consultation soit en place. Les médecins devraient bien connaître les exigences et directives du Collège de leur province ou territoire qui encadrent le processus de demande de consultation et de consultation.

Bien souvent, les médecins traitants se sentent particulièrement vulnérables quand ils ne réussissent pas à faire en sorte que leurs patients reçoivent les soins souhaités. Or, les tribunaux et les Collèges savent que vous ne pouvez prodiguer de soins lorsque ces soins sont tributaires de ressources qui n’existent pas. Le but est de prodiguer des soins raisonnables, et pas nécessairement parfaits. Pour mieux prouver que vos soins sont effectivement raisonnables, assurez-vous de consigner les renseignements suivants et de les transmettre à vos patients :

  • Les étapes que vous conseillez à vos patients de suivre d’ici à ce que leur consultation ait lieu (p. ex. les signes et symptômes à surveiller qui pourraient être l’indice qu’une réévaluation ou une visite à l’urgence s’impose)
  • Les efforts que vous déployez pour obtenir les soins requis
  • Le suivi que vous faites de l’état de santé de vos patients
  • Vos communications avec les consultants

Dois-je suivre les conseils des médecins consultants?

Les médecins traitants qui ont demandé une consultation par rapport au traitement ou au diagnostic doivent envisager sérieusement les recommandations des consultants et les intégrer à leurs plans de traitement s’ils le jugent approprié. Si l’état clinique évolue ou que la recommandation ne semble pas convenir, une discussion de suivi avec le consultant ou la consultante pourrait s’imposer. Et si une deuxième opinion est demandée, que ce soit par les patients eux-mêmes ou par l’intermédiaire d’une demande de consultation, la responsabilité des soins continue d’incomber aux médecins traitants. Ceux-ci doivent procéder eux-mêmes à l’évaluation et élaborer leur propre plan de traitement; ils doivent aussi expliquer aux patients en quoi consiste la recommandation qu’ils ont reçue et le plan qu’ils entendent suivre au final. Il est en outre important que les médecins traitants consignent par écrit les raisons pour lesquelles ils ne partagent pas l’avis du consultant ou de la consultante, le cas échéant; ils doivent aussi consigner au dossier que le patient ou la patiente a donné son consentement éclairé au plan de traitement.

Médecins consultants

Les médecins consultants devraient répondre aux médecins traitants dès qu’il leur est raisonnablement possible de le faire, en indiquant s’ils sont en mesure de voir le patient ou la patiente dans un délai acceptable. Bon nombre de Collèges exigent que cette réponse soit transmise aux médecins traitants dans un délai bien précis.

Comme tous les médecins, les spécialistes acceptant de nouveaux patients sont guidés par des responsabilités déontologiques, telles que décrites dans le Code d’éthique et de professionnalisme2 de l’Association médicale canadienne et le Code de déontologie des médecins du Québec3, et par des responsabilités professionnelles, telles qu’énoncées dans les politiques du Collège de leur province ou territoire. Ces politiques varient d’un Collège à l’autre, mais de façon générale, elles exigent que les spécialistes aient recours au principe du « premier arrivé, premier servi » et n’exercent aucune discrimination.

Les politiques des Collèges stipulent généralement que les spécialistes doivent prendre en compte un certain nombre de facteurs pour décider s’ils acceptent ou non une demande de consultation, notamment :

  • L’urgence et l’indication clinique
  • Les temps d’attente actuels
  • Le champ d’exercice et la compétence clinique4

Quand ils acceptent une demande de consultation, les médecins consultants sont généralement les mieux placés pour informer les patients et les médecins traitants de la date et de l’heure du rendez-vous. Pour réduire au minimum les risques que les patients dont l’état se détériore traînent sur des listes d’attente, il est important que les consultants avisent les patients et les médecins traitants du temps d’attente prévu; ils doivent aussi les informer des signes et des symptômes qui justifieraient une consultation téléphonique ou une réévaluation du classement sur la liste. Il est également utile d’aviser les patients des exigences administratives en vigueur au cabinet du ou de la médecin qu’ils s’apprêtent à voir (p. ex. politique d’annulation des rendez-vous ou frais exigibles si les patients ne se présentent pas) et des mesures à prendre, s’il y a lieu, avant leur rendez-vous médical (p. ex. préparation intestinale, ajustement de la médication).

Si les médecins consultants doivent refuser une demande de consultation, il y a tout lieu qu’ils aident les médecins traitants et les patients en leur recommandant, si possible, un ou une collègue.

Lorsque des patients ne se présentent pas à leur rendez-vous sans le remettre à une date ultérieure, aviser les médecins traitants favorisera la sécurité des soins.

Après la consultation, un compte rendu écrit devrait être transmis sans délai au ou à la médecin ayant demandé la consultation. Quand la situation est urgente, privilégier un compte rendu verbal peut contribuer à ce que le suivi requis soit offert aussi rapidement que possible et de façon sécuritaire.

Un rapport de consultation peut comprendre les éléments suivants :

  • Le nom du patient ou de la patiente
  • Le nom du ou de la médecin ayant demandé la consultation et, s’il y a lieu, du ou de la médecin de première ligne (si connu)
  • La date de la consultation
  • L’objet de la demande de consultation, selon l’interprétation du consultant ou de la consultante
  • Les renseignements pris en compte, y compris les antécédents, les observations physiques et les résultats d’analyses
  • Les conclusions diagnostiques (définitives ou provisoires; diagnostic différentiel au besoin)
  • Les traitements entrepris ou les interventions effectuées, notamment les changements au schéma thérapeutique ou les analyses prescrites
  • Les recommandations par rapport au suivi et à la personne qui s’en chargera5
  • Les conseils donnés au patient ou à la patiente quant aux prochaines étapes à suivre

Si la consultation se prolonge au-delà de la visite initiale, il peut être indiqué de produire des rapports préliminaires. Lorsque la consultation est terminée et que la patiente ou le patient est redirigé vers le ou la médecin ayant demandé la consultation ou vers un tiers, il faut en aviser toutes les parties concernées.6,7,8

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La pénurie de ressources oblige les médecins à concilier les besoins de leurs patients et les ressources disponibles. Lorsqu’ils se heurtent à de telles contraintes, ils ne doivent pas hésiter à recourir aux mesures suivantes :

  • Accorder, dans la mesure du possible, la priorité à l’intérêt des patients tout en utilisant les ressources de façon judicieuse
  • Suivre les lignes directrices fondées sur des données probantes et les recommandations de Choisir avec soin : ces avis peuvent aider à simplifier la prestation de soins, à limiter la mobilisation de ressources déjà limitées et à créer un équilibre entre les besoins des patients et l’accès aux ressources
  • Consigner par écrit les étapes suivies pour tenter d’atténuer l’impact de la pénurie de ressources pour le patient ou la patiente
  • Promouvoir de façon professionnelle un meilleur accès aux ressources, tout en prenant soin de respecter les politiques des Collèges en ce qui a trait à la promotion de la santé et la défense des intérêts des patients

Rappelez-vous que les tribunaux et les Collèges s’attendent à ce que les médecins agissent de façon raisonnable. Les soins prodigués par ces derniers ne sont pas évalués d’après une norme de perfection, mais en fonction d’une norme de conduite raisonnable. Il s’agit, en d’autres mots, de la norme de pratique qu’un ou une collègue aurait raisonnablement observée dans des circonstances semblables.

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En soins de santé, les listes d’attente sont une réalité inéluctable. Ne pas pouvoir prodiguer à leurs patients des soins de la qualité escomptée est un facteur de stress pour les médecins, que vient exacerber la difficile gestion des listes d’attente.

L’obligation d’accepter de nouveaux patients :

Les médecins ont le droit de restreindre la taille de leur pratique. Ils doivent toutefois faire montre d’équité et de cohérence dans leur refus d’accepter de nouveaux patients. Un certain nombre de facteurs devraient être considérés :

  • L’urgence ou la gravité de l’état de santé
  • Le champ d’exercice ou la compétence clinique de la personne qui prodigue les soins
  • L’impératif d’éviter toute discrimination ou toute perception de discrimination

L’utilisation du jugement clinique :

  • Les médecins font appel à leur jugement clinique pour déterminer s’il y a lieu d’accepter un patient ou une patiente et à quel point il est urgent que la personne soit évaluée. De même, ils devraient recourir à leur jugement pour déterminer si l’état de santé de la personne a changé au point où son classement sur la liste doit être revu.

L’importance d’éviter toute perception de discrimination :

  • Quand les médecins acceptent de nouveaux patients, ils doivent prendre en compte les politiques antidiscrimination du Collège de leur province ou territoire. À l’instar des lois sur les droits de la personne, la plupart des Collèges interdisent la discrimination basée sur la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur, l’origine ethnique, la citoyenneté, les croyances, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle, l’expression sexuelle, l’âge, l’état civil, la situation de famille ou l’incapacité. Les Collèges peuvent aussi interdire aux médecins de refuser des patients pour des motifs liés aux soins de santé, comme la complexité de leur condition. Par exemple, l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario prévient les médecins qu’ils ne doivent pas refuser de patients « qui ont des besoins en matière de santé complexes ou chroniques; qui ont des antécédents de prescription d’opioïdes ou de médicaments psychotropes; qui exigent plus de temps qu’un autre patient dont les besoins médicaux sont moins importants; qui souffrent d’une blessure ou d’un handicap ou sont atteints d’un trouble médical ou psychiatrique qui pourrait exiger que le médecin prépare et fournisse des documents ou des rapports supplémentaires. »9
  • Afin d’éviter toute perception de discrimination, les médecins qui refusent des patients devraient noter soigneusement les motifs de leur refus, en faire part au médecin traitant ou à la médecin traitante s’il y a lieu et, au besoin, au patient ou à la patiente.

La gestion d’une liste d’attente :

Voici les critères à respecter pour gérer une liste d’attente :

  • Veiller à ce que les patients, les médecins traitants et les médecins consultants communiquent efficacement
  • Définir clairement qui est le médecin le plus responsable ou la médecin la plus responsable pour assurer le suivi d’une personne sur une liste d’attente, s’il y a lieu
  • Utiliser son jugement professionnel pour surveiller la liste d’attente et revoir le classement des patients sur la liste au besoin

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Il est normal que des patients se sentent anxieux quand ils apprennent qu’on va inscrire leur nom sur une liste d’attente pour qu’ils voient un ou une spécialiste ou pour qu’ils subissent des analyses ou un traitement en particulier. Ils craignent que leur état de santé se détériore d’ici à ce qu’ils soient reçus en consultation, ce qui est tout à fait compréhensible.

Quand des patients se retrouvent sur une liste d’attente, on doit leur fournir certains renseignements pour les aider à surveiller leur état de santé d’ici à ce que leur rendez-vous ait lieu. Parmi ces renseignements figurent les suivants :

  • La situation clinique et le motif de la demande de consultation
  • Les signes et les symptômes qui devraient inciter les patients à se présenter pour une réévaluation (c.-à-d. si leur état s’aggrave ou si de nouveaux symptômes apparaissent)
  • La personne à qui téléphoner au besoin, l’endroit où se rendre pour obtenir des soins et les critères qui définissent une urgence

Les renseignements doivent être adaptés aux patients et à la situation clinique. En outre, il est à propos d’aborder les effets secondaires possibles et les exigences de surveillance liées à tout médicament prescrit.

Il est important de décrire aux patients les signes et symptômes des complications les plus courantes, comme on le fait quand on discute avec eux en vue d’obtenir un consentement éclairé; on doit aussi les informer des complications rares susceptibles de causer un préjudice grave. Il est toujours bon de confirmer que les patients ont bien compris les enjeux qui leur ont été exposés et de répondre à leurs questions s’ils en ont. Cette discussion devrait être consignée au dossier médical. Enfin, les efforts qui sont déployés pour trouver les ressources dont les patients ont besoin devraient être nommés et consignés par écrit.

Il ne faut pas hésiter à demander aux patients ce qui les préoccupe le plus : dès lors, les médecins sauront mieux comment atténuer certaines craintes ou discuter d’autres options possibles.10

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Les quelques dossiers juridiques portant sur ces enjeux indiquent que les tribunaux sont disposés à tenir compte des ressources à la disposition des médecins lorsqu’ils cherchent à déterminer si la norme de pratique a été respectée. Les tribunaux ont établi que l’évaluation des soins prodigués par les médecins n’est pas fondée sur une norme de perfection, mais bien sur la norme de pratique qu’un ou une collègue aurait raisonnablement observée dans des circonstances semblables.

Quand certains tests ou traitements sont accessibles et pertinents, il est mal vu par les tribunaux que des médecins décident de ne pas les prescrire par simple souci d’économie. La situation est tout autre lorsque les médecins ne peuvent tout simplement pas prodiguer un traitement par manque de ressources. Bien que les médecins aient l’obligation d’utiliser prudemment les ressources de santé, les tribunaux ont confirmé que l’utilisation d’investigations appropriées ne doit pas être restreinte par les coûts mis en cause.10

Même si les médecins doivent d’abord considérer l’intérêt des patients au moment de choisir des tests et des traitements, il n’en demeure pas moins qu’ils doivent judicieusement utiliser les ressources et s’abstenir de les surutiliser aux seules fins de prévenir des problèmes médico-légaux.

La campagne Choisir avec soin offre des recommandations et des ressources pour reconnaître les tests et les traitements superflus qui grugent des ressources et un temps précieux. Les recommandations de la campagne Choisir avec soin ne s’appliquent pas nécessairement à toutes les situations; les médecins pourraient choisir de se reporter aux directives de pratique clinique pertinentes pour éclairer leurs décisions et les soins à prodiguer dans des circonstances particulières.

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Les médecins ont des obligations professionnelles et déontologiques à l’endroit de leurs patients. D’un autre côté, les pénuries de ressources maintiennent les médecins dans un équilibre précaire, comme en témoigne le Code d’éthique et de professionnalisme de l’AMC. En vertu du Code, ils doivent en effet « tenir compte d’abord et avant tout du bien-être des patients », mais aussi appuyer « la promotion de l’intendance des ressources ».2 Au Québec, le Code de déontologie des médecins exige que ceux-ci utilisent « judicieusement les ressources consacrées aux soins de santé », tout en leur rappelant qu’ils ont pour « devoir primordial de protéger et de promouvoir la santé et le bien-être des individus [qu’ils servent] ».3 Compte tenu de leur caractère souvent contradictoire, ces obligations parallèles peuvent parfois être difficiles à concilier. C’est évidemment une source de frustration et de préjudices moraux constante pour les médecins, qui veulent offrir les meilleurs soins possible à leurs patients.11

Pour progresser vers des solutions novatrices, il peut se révéler profitable de défendre les intérêts des patients auprès d’autres intervenants considérés comme des acteurs importants dans le système. La promotion de la santé et la défense des intérêts des patients doivent se faire de façon professionnelle et ne pas être perçues comme perturbatrices. Les médecins peuvent contribuer à la protection et à la promotion des soins de santé à plusieurs niveaux et sous différentes formes. Par exemple, ils défendent souvent les intérêts des patients en demandant en temps opportun des examens diagnostiques, l’accès à des traitements particuliers ou des rendez-vous chez des spécialistes. Les médecins peuvent aussi défendre les intérêts de groupes de patients ou promouvoir la santé dans leur région en soutenant, par exemple, l’expansion d’un centre de santé communautaire ou en cherchant à obtenir le financement nécessaire pour agrandir l’équipe de soins dans un hôpital. À l’échelle du système, les médecins peuvent défendre les stratégies qui sous-tendent les activités d’une association ou fédération médicale provinciale et, ce faisant, favoriser l’amélioration des soins de santé en général.

Les activités de promotion de la santé et de défense des intérêts des patients sont appropriées à partir du moment où les médecins agissent avec professionnalisme, fournissent un point de vue éclairé et offrent des recommandations et des avis constructifs aux personnes ou aux groupes concernés.2 Bon nombre de Collèges ont des politiques qui encadrent la promotion de la santé et la défense des intérêts des patients, et les médecins devraient en prendre connaissance.

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Pour obtenir des conseils sur la prestation de soins en temps de pandémie, veuillez consulter le Carrefour sur la COVID-19 de l’ACPM.

Un grand nombre de services médicaux non urgents ont été reportés à cause de la crise sanitaire, ce qui complexifiera énormément la priorisation des soins dans les années à venir. Les médecins doivent gérer les listes d’attente avec discernement en tentant de concilier deux éléments : agir dans l’intérêt de leurs patients et respecter la capacité du système de santé. Ils doivent en outre s’employer à :

  • élaborer des systèmes de priorisation efficace des patients;
  • mettre au point des stratégies pour assurer une bonne communication entre médecins traitants et consultants;
  • collaborer avec leurs collègues, les établissements de santé et les autorités en matière de santé pour innover et trouver des solutions;
  • communiquer avec leurs patients pour éviter qu’ils ne se sentent laissés à eux-mêmes.

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Vaut mieux jouer de prudence et consigner par écrit les renseignements suivants :

  • Les efforts qui ont été mobilisés pour qu’un patient ou une patiente bénéficie des ressources nécessaires (p. ex. examens, demandes de consultation)
  • Les communications avec le patient ou la patiente (ou avec la personne jouant le rôle de décideur remplaçant) sur les sujets suivants : signes et symptômes laissant entrevoir une détérioration de l’état de santé, personne à qui téléphoner au besoin, endroit où se rendre pour obtenir des soins et critères qui définissent une urgence
  • Les communications entre médecins traitants et consultants
  • Les efforts investis pour plaider en faveur de l’accès aux ressources appropriées

Comme les normes de pratique peuvent changer au fil du temps, il est important de conserver copie des politiques ou des restrictions ayant pu influer sur votre prise de décision.

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Liste d’attente – liste de vérification

Quand les ressources sont restreintes, le mot d’ordre est d’agir dans l’intérêt des patients et de prodiguer des soins raisonnables.

Avez-vous :

  • Est-ce que j’ai suivi les directives et les exigences du Collège de ma province ou de mon territoire?
  • Est-ce que j’ai agi dans l’intérêt de la patiente ou du patient?
  • Est-ce que j’ai utilisé au mieux mon jugement médical pour concilier l’intérêt de la personne concernée et l’accès aux ressources?
  • Est-ce que j’ai informé la patiente ou le patient des mesures que j’ai prises pour lui donner accès à la ressource en question?
  • Est-ce que j’ai informé la patiente ou le patient des autres ressources qui pourraient lui être accessibles, le cas échéant?
  • Est-ce que j’ai décrit à la patiente ou au patient les signes et symptômes qui devraient l’inciter à consulter au cours de la période où il se trouvera sur la liste d’attente?
  • Est-ce que j’ai informé la patiente ou le patient de l’endroit où il doit se rendre pour obtenir des soins, et est-ce que je lui ai exposé les critères sur la base desquels il pourra évaluer l’urgence de consulter si son état s’aggrave?
  • Est-ce que j’ai envisagé la possibilité de défendre avec professionnalisme les intérêts des patients pour tenter de résoudre les problèmes qui se posent dans un contexte où la pénurie de ressources nuit à la sécurité des soins?
  • Est-ce que j’ai consigné par écrit les mesures que j’ai prises pour tenter de remédier à une lacune dans les ressources?
  • Est-ce que j’ai eu recours à un processus impartial et normalisé pour gérer la liste d’attente?
  • Est-ce que j’ai communiqué clairement avec la patiente ou le patient et les membres de son cercle de soins?
  • Est-ce que j’ai consigné par écrit les soins que j’ai prodigués, le suivi que j’ai fait et mon bilan de la situation dans laquelle se trouve la patiente ou le patient?

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Références

  1. Mathura c Scarborough General Hospital, [1999] CO n° 47 au para 83 (Division générale)
  2. Association médicale canadienne. AMC; 2018. Code d’éthique et de professionnalisme de l’AMC [cité en janv. 2022]. Disponible : https://policybase.cma.ca/documents/PolicyPDF/PD19-03F.pdf
  3. Collège des médecins du Québec. CMQ; 2015. Code de déontologie des médecins. Disponible : http://www.cmq.org/publications-pdf/p-6-2015-01-07-fr-code-de-deontologie-des-medecins.pdf
  4. Association canadienne de protection médicale. ACPM; sept. 2018. Vous acceptez de nouveaux patients... la clé d’une gestion efficace de la pratique [cité en janv. 2022]. Disponible : https://www.cmpa-acpm.ca/fr/advice-publications/browse-articles/2018/accepting-new-patients-the-key-to-effective-practice-management
  5. Urbach DR, Martin D. Confronting the COVID-19 surgery crisis: time for transformational change. CMAJ. 2020 May 25;192(21):E585-6. Disponible : https://www.cmaj.ca/content/192/21/E585 doi: 10.1503/cmaj.200791
  6. Association canadienne de protection médicale. ACPM; mars 2019. Pour un suivi efficace en pratique clinique [cité en janv. 2022]. Disponible : https://www.cmpa-acpm.ca/fr/advice-publications/browse-articles/2019/closing-the-loop-on-effective-follow-up-in-clinical-practice
  7. Collège des médecins de famille du Canada et Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. CMFC;2009. Guide pour l’amélioration de l’aiguillage et de la consultation entre les médecins [cité en janv. 2022]. Disponible : https://www.hhr-rhs.ca/en/?option=com_mtree&task=att_download&link_id=6685&cf_id=69
  8. Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario. CPSO; nov. 2008 (mis à jour en mai 2017). Acceptation de nouveaux patients [cité en janv. 2022]. Disponible : https://www.cpso.on.ca/fr/Physicians/Policies-Guidance/Policies/Accepting-New-Patients
  9. Association canadienne de protection médicale. ACPM; déc. 2018. Ressources limitées en soins de santé : un équilibre précaire [cité en janv. 2022]. Disponible : https://www.cmpa-acpm.ca/fr/advice-publications/browse-articles/2007/limited-health-care-resources-the-difficult-balancing-act
  10. Choisir avec soin Canada [En ligne]. Toronto (CA): University of Toronto, Canadian Medical Association, St. Michael’s Hospital [cité le 13 août 2018]. Disponible : https://choosingwiselycanada.org
  11. Association médicale canadienne. AMC; sept 2021. Qu’est-ce qu’un préjudice moral et comment y faire face? Disponible : https://www.cma.ca/fr/carrefour-bien-etre-medecins/contenu/prejudice-moral
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