Risques médico-légaux : ce que les médecins de famille qui prodiguent des soins pédiatriques doivent savoir

Sachez quels sont vos risques – Données par spécialité clinique

Une médecin en consultation avec une préadolescente

À la fin de l’année 2024, l’ACPM comptait 39 992 médecins de famille (codes de travail 35, 73, 78 et 79) parmi ses membres.

Le graphique ci-dessous présente une comparaison des tendances observées sur une période de 10 ans entre les dossiers médico-légaux mettant en cause des médecins de famille et l’ensemble des dossiers médico-légaux ciblant des membres de l’ACPM. Ces dossiers regroupent toutes les actions civiles et les plaintes aux Collèges ciblant des membres de l’Association et ne se limitent pas aux dossiers pédiatriques.

Quels sont les risques relatifs de problème médico-légal chez les médecins de famille?

  •  Médecins de famille, plaintes aux Collèges (n = 22 868)
  •  Médecins de famille, actions civiles (n = 3 096)
  • Ensemble des membres de l’ACPM, plaintes aux Collèges (n = 49 311)
  •   Ensemble des membres de l’ACPM, actions civiles (n = 13 578)

Entre 2015 et 2024, le taux de plaintes aux Collèges1 était significativement plus élevé (p < 0,0001) chez les médecins de famille que chez l’ensemble des membres de l’ACPM.

Pendant la même période de 10 ans, le taux d’actions civiles était moins élevé (p < 0,0001) chez les médecins de famille que chez l’ensemble des membres de l’ACPM.

Par rapport aux autres médecins de famille, quel est le risque de vous faire citer dans des dossiers médico-légaux?

Pourcentage de médecins de famille, fréquence des dossiers sur 5 ans


Pourcentage de médecins de famille, sur 5 ans (%)
Aucun dossier 78,7
1 dossier 15,9
2 dossiers ou plus 5,4

Pourcentage de médecins de famille, fréquence des dossiers sur 1 an



Pourcentage de médecins de famille, sur 1 an (%)
Aucun dossier 93,6
1 dossier 5,7
2 dossiers ou plus 0,7

Sur une période de 5 ans (2020 à 2024)2, 16 % des médecins de famille ont vu leur nom cité dans 1 nouveau dossier médico-légal, et 5 %, dans au moins 2 dossiers.

Sur une base annuelle, 94 % des médecins de famille n’ont vu leur nom cité dans aucun dossier médico-légal. Parmi l’ensemble des médecins de famille, 0,7 % ont vu leur nom cité dans au moins 2 dossiers médico-légaux par année, soit la fréquence la plus élevée.

Les soins pédiatriques sont l’un des types de soins le plus souvent en cause dans les dossiers médico-légaux ciblant des médecins de famille. La présente ressource porte sur les médecins de famille qui prodiguent des soins pédiatriques.

Les sections qui suivent présentent les résultats de l’analyse de 916 dossiers médico-légaux conclus par l’ACPM entre 2014 et 2024 et ciblant des médecins de famille prodiguant des soins pédiatriques. Aux fins de ce rapport, on considère les soins pédiatriques comme les soins qui sont prodigués aux personnes âgées de 0 à 18 ans.

Quelles sont les plaintes le plus souvent émises par les patient·es et les critiques le plus couramment formulées par l’expertise médicale?3 (n = 916 dossiers)

Issue Allégations par des patient·es (%) Critiques formulées par l’expertise médicale (%)
Évaluation déficiente 39 19
Erreur de diagnostic 32 21
Comportement non professionnel 26 10
Problèmes de communication médecin-patient·e/famille 18 13
Omission de réaliser un test ou une intervention 15 9
Procédure administrative inadéquate 14 11
Défaut d’orienter la personne vers un·e collègue 13 5
Inconduite professionnelle 12 6
Tenue de dossiers inadéquate 9 26
Processus de consentement inadéquat 8 6

Les plaintes reflètent le fait que, du point de vue des personnes traitées, un problème est survenu au cours de la prestation des soins. Ces plaintes ne sont pas toujours appuyées par l’opinion de l’expertise médicale. Il arrive que l’expertise médicale n’ait pas de critiques à formuler quant aux soins prodigués, ou que ses critiques ne soient pas en lien avec les allégations des personnes soignées, de leur famille ou de leur tuteur·rice.

Les problèmes de communication entre les médecins et les patient·es, les parents ou les soignant·es sont souvent à l’origine des plaintes déposées par les personnes soignées et des critiques de la part de l’expertise médicale. Voici des exemples de problèmes de communication :

  • Le père d’une enfant d’âge préscolaire allègue que le médecin de famille n’a pas demandé son consentement avant de prodiguer des soins à l’enfant. Les parents sont séparés, et le père a la garde complète de l’enfant. Le médecin de famille a rencontré l’enfant à la demande de la mère, qui n’a droit qu’à des visites supervisées. Le Collège a accordé son appui au médecin de famille en précisant que les deux parents avaient le droit d’obtenir des soins médicaux pour leur enfant. Il a toutefois recommandé au médecin de prendre le temps, à l’avenir, de communiquer avec le père pour obtenir plus de renseignements. Une telle mesure aurait permis d’éviter le problème.
  • Les parents d’un enfant d’âge scolaire ayant des allergies saisonnières allèguent qu’une médecin n’a pas pris le temps d’écouter leurs préoccupations et celles de leur enfant au sujet de ses symptômes, car elle n’accepte d’aborder qu’un seul problème par consultation.
  • Les parents d’une adolescente allèguent qu’une médecin a omis de leur dire, en temps opportun, qu’elle abandonnait la pratique et qu’elle a désinscrit leur fille sans leur laisser suffisamment de temps pour trouver un·e autre médecin.

Au nombre des principales critiques formulées par l’expertise médicale figure également une tenue de dossiers inadéquate. En voici quelques exemples :

  • Omission de consigner au dossier tout élément permettant d’étayer un diagnostic d’infection des voies respiratoires supérieures, toute explication du choix de l’antibiothérapie ou toute discussion au sujet des bienfaits et des risques relatifs d’une intervention.
  • Omission de consigner les résultats de l’examen physique (y compris l’utilisation des muscles accessoires et les résultats des auscultations), la présence d’un·e adulte avec l’enfant ou le fait que l’enfant était considéré·e ou non comme une personne mineure mature.
  • Plan de congé incomplet quant au plan de prise en charge de l’asthme, à l’évitement des facteurs déclenchants ou à la revue des résultats des investigations antérieures.
  • Omission d’obtenir le consentement éclairé en vue d’une cryothérapie avec azote liquide et de consigner la discussion sur les effets indésirables potentiels, les problèmes possibles pendant l’intervention ou les soins de suivi en cas de douleur ou de lésions subséquentes.

Quelles sont les raisons de consultation les plus fréquentes? (n = 916 dossiers)

Le tableau ci-dessous présente les catégories d’affections le plus souvent à l’origine d’une consultation chez les patient·es des 4 groupes d’âges suivants : nourrissons/bambins (moins de 2 ans), enfants d’âge préscolaire (2 à 4 ans), enfants d’âge scolaire (5 à 12 ans) et adolescent·es (13 à 18 ans).

Nourrissons/bambins (moins de 2 ans, n = 191 dossiers)

  • Appareil respiratoire (p. ex. infection aiguë des voies respiratoires supérieures, pneumonie)
  • Oreille (p. ex. otite moyenne)
  • Appareil digestif (p. ex. gastroentérite)

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  • Appareil locomoteur (p. ex. troubles de la hanche)
  • Appareil digestif (p. ex. sténose du pylore)

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  • Tête (p. ex. contusions)
  • Membres (p. ex. fractures)

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Enfants d’âge préscolaire (2 à 4 ans, n = 156 dossiers)

  • Appareil respiratoire (p. ex. infection des voies respiratoires supérieures)
  • Oreille (p. ex. otite moyenne)
  • Affections de la peau (p. ex. molluscum contagiosum)

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  • Tête (p. ex. lacérations superficielles)

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Enfants d’âge scolaire (5 à 12 ans, n = 288 dossiers)

  • Appareil respiratoire (p. ex. infection des voies respiratoires supérieures)
  • Oreille (p. ex. otite moyenne)
  • Peau (p. ex. verrues d’origine virale, molluscum contagiosum)

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  • Troubles comportementaux et émotionnels (p. ex. trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité)
  • Anxiété/troubles liés au stress (p. ex. anxiété généralisée, dysphorie de genre)

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  • Tête (p. ex. blessures)
  • Membres (p. ex. fractures)

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Adolescent·es (13 à 18 ans, n = 309 dossiers)

  • Anxiété/troubles liés au stress (p. ex. anxiété généralisée, dysphorie de genre)
  • Troubles de l’humeur (p. ex. dépression)

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  • Appareil respiratoire (p. ex. infection des voies respiratoires supérieures)
  • Peau (p. ex. verrues d’origine virale)

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  • Membres (p. ex. fractures)
  • Tête (p. ex. commotion cérébrale)

Cacher la section

La fréquence des raisons de consultation citées dans les dossiers médico-légaux reflète vraisemblablement les pratiques des médecins et ne témoigne pas nécessairement du risque élevé des affections en cause. Un dossier peut compter plus d’une affection, et concerner plus d’un·e patient·e.

Dans 193 des 916 dossiers, on a fait état d’une erreur de diagnostic, y compris un diagnostic erroné, manqué ou tardif. Dans 119 de ces dossiers, l’expertise médicale a critiqué l’évaluationdéficiente effectuée par les médecins. Par exemple :

  • Un médecin de famille a omis de réaliser une évaluation exhaustive pour démontrer que l’anémie pouvait être responsable de la pâleur d’une patiente, ce qui a par la suite exigé d’autres investigations.
  • Une médecin de famille a omis d’examiner une adolescente en personne ou de réaliser un examen abdominal malgré le fait que la patiente ait consulté à plusieurs reprises en raison d’une douleur abdominale persistante, ce qui a retardé le diagnostic de cancer de l’ovaire.

L’expertise médicale a critiqué les connaissances ou les compétences insuffisantes des médecins dans 62 dossiers. Par exemple :

  • Une patiente d’âge scolaire qui présentait une céphalée persistante accompagnée d’une douleur oculaire a consulté son médecin de famille, qui ne l’a pas orientée vers un pédiatre ni n’a demandé de consultation d’urgence. L’omission de mesurer la tension artérielle ou de réaliser un examen neurologique adéquat a retardé le diagnostic et le traitement de la thrombose d’un sinus veineux cérébral, accompagnée d’une hémorragie intracrânienne et d’un œdème cérébral.
  • Une médecin de famille qui traitait un enfant d’âge scolaire présentant un hématome rénal et un traumatisme abdominal récent n’a pas demandé les examens d’imagerie (échographie ou tomodensitogramme avec produit de contraste) et les analyses sanguines (formule sanguine complète) appropriés. Cela a retardé le diagnostic d’une tumeur.

Quels sont les facteurs associés à un préjudice grave4 dans les dossiers médico-légaux? (n = 916 dossiers)

Facteurs associés à un préjudice grave pour les patient·es

Facteurs liés aux patient·es5

Chez les enfants (toute catégorie d’âges) :

  • Infections bactériennes graves, y compris un sepsis
  • Méningite et infections cérébrales graves
  • Grippe et pneumonie
  • Végétations adénoïdes, rhinite allergique
  • Appendicite

Chez les nourrissons/bambins :

  • Symptômes de bradycardie, souffle
  • Toux, dyspnée, respiration sifflante
  • Malformations congénitales du système cardiovasculaire

Chez les adolescent·es :

  • Diabète sucré
  • Pharyngite aiguë
  • Endocardite et arrêt cardiaque
  • Troubles mentaux et comportementaux attribuables à la consommation d’une substance psychoactive

Facteurs liés aux médecins6

  • Évaluation déficiente
  • Omission de réaliser un test ou une intervention (p. ex. échographie ou radiographie pour une évaluation plus approfondie d’une dysplasie de la hanche)
  • Défaut d’orienter la personne vers un·e collègue
  • Traitement pharmacologique sous-optimal (p. ex. dose de daltéparine 10 fois inférieure à la dose généralement prescrite pour le traitement d’une embolie pulmonaire)

Facteurs liés à l’équipe6

  • Consignes de sortie inadéquate

Aide-mémoire pour réduire les risques

Les médecins de famille qui prodiguent des soins pédiatriques devraient tenir compte de ce qui suit pour gérer les risques associés à cette population de patient·es :

  •  Garder en tête que certaines maladies et affections se manifestent différemment chez les enfants. Adopter une pratique réflective pour cibler les facteurs essentiels de l’examen physique selon les différents groupes d’âges et contextes du développement, même lorsque le temps presse.
  • Envisager d’orienter les patient·es vers un·e spécialiste qualifié·e ou vers les urgences lorsque les soins nécessaires semblent outrepasser la portée de son champ de pratique ou son niveau de compétence. Informer les patient·es, leurs parents ou leurs soignant·es, en temps voulu et de façon transparente, de son refus de prodiguer des soins en s’assurant de respecter les lignes directrices du Collège. Expliquer les raisons du refus.
  • En cas de directives contradictoires des parents, vérifier qui détient la responsabilité décisionnelle (l’un ou l’autre des parents, ou les deux). Traiter les parents avec professionnalisme et respect en reconnaissant leurs droits. Les copies des ententes ou des ordonnances du tribunal relatives aux responsabilités décisionnelles (garde) et au temps parental (accès) doivent être versées au dossier, le cas échéant.
  • Fournir aux patient·es, aux parents ou aux soignant·es des consignes de sortie exhaustives, verbalement et par écrit, notamment en ce qui a trait aux traitements médicamenteux, aux soins de suivi, aux signes ou aux symptômes à surveiller ainsi qu’aux situations exigeant de solliciter un avis médical. Expliquer clairement à quel moment il importe de consulter en cas de complications, et vers qui se tourner. S’assurer que les patient·es, les parents ou les soignant·es ont compris l’information fournie.
  • Consigner au dossier les antécédents médicaux (y compris les symptômes et les affections concomitantes), les résultats de l’examen physique, les réévaluations, les diagnostics différentiels, les investigations, le diagnostic et le raisonnement diagnostique. Ajouter tout plan de traitement ainsi que les directives relatives au suivi qui ont été communiqués aux patient·es, à leurs parents ou aux soignant·es.

Limites

Les nombres qui figurent dans ce rapport sont tirés des données médico-légales de l’ACPM. Les dossiers médico-légaux de l’ACPM ne représentent qu’une petite proportion des incidents liés à la sécurité des patient·es. De nombreux facteurs peuvent inciter une personne à intenter une poursuite ou à déposer une plainte, et ces facteurs varient grandement en fonction du contexte. Les dossiers médico-légaux peuvent donc être une précieuse source d’information sur des sujets importants, mais on ne peut les considérer comme représentatifs de l’ensemble des incidents liés à la sécurité des patient·es.

Maintenant que vous connaissez les risques liés à votre travail…

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Notes

  1. Les médecins n’ont pas l’obligation de signaler les plaintes au Collège à l’ACPM, et ne le font que sur une base volontaire. Par conséquent, il n’est pas possible de brosser un portrait complet de ce type de dossiers au Canada.
  2. En moyenne, un dossier médico-légal est ouvert deux à trois ans après un incident lié à la sécurité des patient·es. Ainsi, il est possible qu’un nouveau dossier médico-légal concerne un incident survenu il y a quelques années.
  3. Par expertise médicale, on entend les médecins experts et expertes qui interprètent les problèmes cliniques, scientifiques ou techniques liés aux soins prodigués et qui émettent une opinion à leur égard. Ces médecins ont habituellement une formation et une expérience semblables à celles de leurs collègues ayant prodigué les soins à évaluer.
  4. Selon le glossaire du service de recherche de l’ACPM, un préjudice grave pour les patient·es est défini comme symptomatique, dictant une intervention nécessaire à la survie ou une intervention médicale ou chirurgicale majeure, entraînant une diminution de l’espérance de vie, ou causant, de façon permanente ou temporaire, une perte fonctionnelle ou un préjudice majeurs.
  5. Les facteurs liés aux patient·es regroupent toutes les caractéristiques ou les affections médicales présentes au moment de la consultation médicale, ou tout événement survenant durant la consultation.
  6. D’après l’opinion de l’expertise médicale. Comprend les facteurs liés aux personnes exerçant une profession médicale, à l’équipe et au système. En ce qui a trait aux dossiers d’obstétrique, aucun facteur lié au système ne paraissait se dégager des données.